Le film de Patrice Leconte est un exercice de funambule : à la fois grave et cynique dans son fond, drôle et léger dans sa forme.
Un petit aristocrate de province, Grégoire Ponceludon de Malavoy (j'adore ces noms désuets à particule) monte à Versailles pour plaider sa cause : son territoire, la Dombe est un lieu puant, humide, visqueux et misérable. Mais voilà, dans l'espoir de rencontrer le roi et de lui demander son concours, le voilà confronté à l'esprit railleur, mesquin et hypocrite de la cour. On le toise, on le regarde de haut et la seule issue possible est d'être le plus spirituel pour attirer le regard du roi. Voilà notre jeune noble de province, dont on décrit très bien la modeste situation par rapport à la noblesse de cour, très fortunée et comme coupée du monde, entré dans la fosse à serpent.
La caméra de Patrice Leconte fait des merveilles : la reconsitution, les costumes, le faste de la cour sont retranscrits à merveille et puis il y a ces confrontations, ces duels verbaux et aux armes entre nobles dans le seul but d'être les plus en vue, le comble de la vanité et de l'arrogance. Jean Rochefort, en mentor du jeune Charles Berling, est excellent. Fanny Ardent, en amante suflureuse et manipulatrice fait inexorablement penser à la Marquise de Merteuil des Liaisons Dangereuses. Ridicule, assurément, parvient à s'inscrire dans l'époque sans mal, sous l'angle du cynisme et de la raillerie, ce qui est pertinent, quant on relit les oeuvres de l'époque, aussi bien Beaumarchais que Choderlos de Laclos. Ce monde de la cour est égratinné : on s'exprime certes magnifiquement, mais pour ne rien dire. On est épris de bons mots, de "saillies drolatiques" que Jean Rochefort recense dans un carnet mais c'est un monde vide. Quand Grégoire Ponceludon de Malevoy demande de l'aide, personne ne s'intéresse à son problème et il lui faudra un effort surhumain pour parvenir à sauver sa seigneurie. Ce monde aristocrate est vide, drôle mais également dramatique dans sa décadence et sa dureté lorsque l'on voit ces destins humiliés et ces fortunes défaites en quelques paroles. Il annonce la fin de ce monde, éminente, avec la Révolution Française.
Et pour finir quelques répliques qui prouve que c'est surtout l'écriture des dialogues qui est excellente dans ce film, devant lequel on passe un bon moment :
Un aristocrate : Il est moins sot qu'il en a l'air !
Ponceludon de Malavoy : C'est toute la différence entre nous, Monsieur !
Un aristocrate : Sachez qu'on juge un homme à ses fréquentations !
Ponceludon de Malavoy : On a tort, Monseigneur. Judas avait d'excellentes fréquentations.