Un vieil homme, critique de cinéma estimé qui tente d'écrire un premier roman, accompagne sa femme, attachée de presse de cinéma, au festival de San Sebastian, en Espagne. Elle s'occupe d'un cinéaste français, prétentieux, imbu de lui-même, qui est encensé par la critique, notamment parce qu'il fait des films "contre la guerre" (hilarant Louis Garrel). Elle est évidemment amoureuse de lui et délaisse totalement son mari, tout en le trompant. Celui-ci, déprimé et malade, prend rendez-vous chez un médecin, sans savoir que c'est une femme, sublime, mal mariée, dont il tombe éperdument amoureux. Cette rencontre va donner un nouveau sens à vie. ça c'est le pitch. Mais le film ne se limite évidemment pas à ça. Car c'est sans doute le film le plus personnel de Allen, où l'un d'eux, disons, et particulièrement sur son rapport au cinéma. Le film est en effet ponctué de scènes où le héros se projette dans un imaginaire qui mêle ses souvenirs passés à des films importants pour lui, et donc pour Allen. C'est l'occasion pour le cinéaste de rendre hommage à tous les cinéastes qui l'ont marqué et influencé. Ca commence évidemment par le Rosebud de Citizen Kane, Allen refait également du Fellini, 3 films de Bergman, L'Ange Exterminateur de Buñuel, A Bout de Souffle et quelques autres. Il refait carrément les scènes, à chaque fois en noir et blanc, mais en y mettant ses personnages, et en transposant ses obsessions. La photographie de Storaro est très réussie, car sur les scènes noir et blanc elle ne cherche jamais à retrouver le grain des cinéastes d'origine, et sur les scènes couleurs on est proche des films récents européens du cinéaste, mais disons que c'est l'un des plus beaux - à rapprocher de celle de Magic in the Moonlight -, aidé en cela par la beauté de San Sebastian et de sa région, et des sublimes couleurs et lumières naturelles. Ce film pourrait presque être un des films de "touriste" de plus de Allen, après Paris, Rome, Barcelone, la côte d'azur..., pourquoi pas San Sebastian ? Sauf que non, ce film à tout d'un film testamentaire et en le tournant Allen semble savoir que, vues toutes les difficultés qu'il a à tourner en ce moment, celui-ci pourrait être son dernier. Le choix de San Sebastian n'est pas anodin : c'est son festival préféré, celui où il se rend chaque année, où il est fréquemment primé, et la ville possède même une statue à l'effigie du cinéaste en son centre, c'est l'idôle et l'emblème de la ville. Woody Allen cinéaste-cinéphile, et cinéphile-européen, rend ici hommage à tous ses maitres en forme d'adieu, en transposant l'énigme du "Rosebud" sur sa propre personne : son Rosebud à lui, celui qui a conditionné toute son existence, c'est tout simplement le cinéma. Je ne l'ai pas encore assez dit, mais ce film est d'une insondable tristesse, le personnage principal étant seul, finissant seul, n'ayant plus que la mort comme issue. Allen semble ici nous dire adieu, mais ce qui fait toute la valeur du film, c'est qu'il n'a rien de revanchard. Il ne règle aucun compte, et Allen semble enfin, après tous les tourments qui l'ont agité, dire adieu de manière apaisée. Même si, personnellement, j'attends déjà son prochain film, en espérant qu'il existe un jour.