Un archer qui déserte son armée pour rentrer au pays. Une imposture, la promesse d'un fils à respecter. Une vie de hors-la-loi qui rentrera dans la légende. Robin Longstride (Russell Crowe) marque une fois de plus l'Angleterre de la fin du XIIè siècle de la pointe de ses flèches en compagnie de Dame Marianne (Cate Blanchett), plus vindicative que jamais. Que peut encore tirer le spectateur de 2010 d'une histoire usée jusqu'à la corde, des galipettes maniérées d'Errol Flynn jusqu'aux combats plutôt proprets de Kevin Kostner ? Il y a toujours la solution du reboot, la résurrection made in Hollywood des légendes en perte de souffle telles que James Bond ou Batman. La sauce prendra-t-elle encore une fois ?
Répondons tout de suite à la question : oui et non ! S'attarder sur la genèse du célèbre héros à capuche était sans le moindre doute la meilleure façon de surprendre encore, ne serait-ce qu'un tant soit peu, le cinéphile qui ne croit plus guère aux contes de fées. Quand on adjoint à un tel projet les noms de Ridley Scott et de Russell Crowe, les poils dudit cinéphile se hérissent, les souvenirs émus d'un célèbre gladiateur plein la tête. Il serait pourtant dangereux d'aller voir ce nouveau film dans l'intention naïve de retrouver les sensations d'un péplum vieux de 10 ans. Le réalisateur a beaucoup changé depuis, et il est malaisé de dire si c'est en bien ou en mal...
Ce Robin des Bois poursuit sans sourciller le virage amorcé par Ridley Scott avec La Chute du Faucon Noir : une volonté presque obsessionnelle de "faire vrai", parfois au dépit du lyrisme qui caractérisait les premières oeuvres cinématographiques de Scott. On parle tout de même d'un homme capable de filmer un innocent oiseau perché sur une branche ballottée par le vent juste avant d'inonder l'écran de barbares rugissants ivres du sang d'un champ de bataille (la scène d'introduction de Gladiator, encore dans toutes les mémoires) ! Point de poème visuel dans les premières minutes de ce Robin des Bois. Si l'on a bien une bataille, des cris de guerres, des soldats transpercés et des colonnes de feu cyclopéennes, à aucun moment on ne retrouve la hargne apocalyptique et la tragédie extatique qui innervaient chaque plan du combat opposant les troupes de Maximus aux hordes crasseuses des résistants germaniques. Il faut donc laver notre cerveau de toute comparaison et voir ce que vaut ce film pour lui-même.
Les 2H20 du métrage se concentrent sans conteste sur les machinations politiques opposant les vils Français au bon peuple anglais, trame sur laquelle vient se tisser le destin du renégat Longstride. Impérial comme à son habitude, Russell Crowe campe avec conviction ce guerrier épuisé par les vicissitudes des Hommes et qui cherche à renaître, libéré de toute attache. Les rencontres avec les multiples protagonistes qui jalonneront sa destinée ainsi que les dialogues qui en résultent sont particulièrement savoureux et souvent ponctués d'éléments comiques (ce qui est assez rare dans le cinéma de Scott) pas trop lourdingues, nous permettant de nous attacher très facilement à tout ce petit monde. Hélas, attachement ne signifie pas nécessairement profondeur, et force est de reconnaître que certains personnages sont tout simplement esquissés. Ainsi en est-il de Petit Jean : sa rencontre avec Robin, au début du film est tout simplement magistrale, puisqu'elle permet au réalisateur de passer d'une scène comique à un dialogue tragique d'une indéniable puissance évocatrice entre Robin et le roi Richard Coeur de Lion avant de nous proposer une chute de nouveau pleine d'humour, et tout cela en 5 minutes chrono. On vient alors de se manger une leçon de cinéma, à la fois divertissante et profondément méditative et l'on se dit que le film va bientôt enchaîner les séquences cultes de ce genre. Hélas, encore une fois hélas, Petit Jean est aussitôt relégué au rang de figurant, à peu près aussi mémorable qu'un rat mort dans un égout, et Robin pataugera avec ses compagnons plus ou moins inutiles jusqu'à sa rencontre avec Lady Marianne et son beau-père, interprété par Max von Sydow (légende du cinéma avec à son actif des films tels que Le Septième Sceau, L'Exorciste, Minority Report...). La charismatique Cate Blanchett brille de mille feux dans ce rôle de veuve au coeur rongé par la solitude tandis que le vieux Max interprète avec une grande sensibilité un infirme qui révèlera Robin à lui-même.
Parfois en manque de souffle épique, le métrage tentera par la suite de se raccrocher à une devise pompeuse répétée avec entêtement comme pour nous rappeler (en vain) les punchlines de Gladiator (telles que "Force et honneur !", "Ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'Eternité", etc.) ainsi qu'à la musique sans saveur de Marc Streitenfeld qui, à force de vouloir s'éloigner des percussions martiales d'un Hans Zimmer, nous livre un score aussi timide que dispensable...
L'impression générale reste pourtant plutôt bonne, et ce Robin des Bois a pour lui l'avantage de ne jamais ennuyer le spectateur. De bons moments de cinéma, pour un divertissement de bonne tenue mais qui ne décollera jamais vers les cimes du chef-d'oeuvre. De même, ne fourbissez pas vos lames en attente du combat final, presque ridicule en regard du complot fomenté tout au long du film. Seules les dernières minutes tutoient vraiment les Anges avec une mise en scène soudain diablement inspirée et un Robin qui évolue en héros panthéiste, roi du domaine sylvestre et maître de la liberté. Une poignée de minutes... Comme disait Cyrano de Bergerac : "C'est un peu court, jeune homme !"