Après le refus de nombreux réalisateurs, le scénario "Robocop" atterrit dans les mains de Paul Verhoeven. Initialement peu intéressé, le "Hollandais violent" se rend compte qu'il y a là en fait un potentiel bien juteux...
Et voici donc Robocop, policier cyborg qui chasse le crime dans un Detroit futuriste cauchemardesque. Loin, très loin de l'image édulcorée de personnage pompier qu'en ont donnée les produits dérivés et autres séries pour enfant, "Robocop" est, pour ceux qui l'ignoreraient encore, un film profondément corrosif et politiquement incorrect.
Le scénario, signé Edward Neumeier, tire avec un humour noir dévastateur sur tout ce qui bouge. Capitalisme "corporate" et reaganien totalement déconnecté de la réalité. Cynisme des médias. Société en déliquescence ou les écarts entre puissants et travailleurs sont devenus abyssaux. Culte des armes et de l'autodéfense. Et on en passe... Rien n'a pris de ride, tout semble encore plus vrai aujourd'hui !
Paul Verhoeven amplifie ces propos avec son style explosif. La violence n'est jamais minimisée, elle est exacerbée ! Les gerbes de sang et exécutions sauvages sont légions, mais loin de faire dans le racoleur, elles rendent le film totalement jouissif, à l'image des "punitions" des méchants. Et elle s'inscrivent pleinement dans un univers infernal : rongée par le chômage et la criminalité, Detroit est une ville poisseuse où la vie n'a plus aucune valeur.
Le tout dans une intrigue parfaitement découpée. En 1h40, le film traite tous ses sujets, pose son ambiance cauchemardesque, et développe ses protagonistes. Des personnages secondaires burnés (Nancy Allen, loin de ses rôles chez De Palma). Des méchants terrifiants : Ronny Cox en cadre presque démoniaque, et Kurtwood Smith en chef de gang psychotique (pour l'anecdote, l'acteur aurait eu le rôle... pour sa vague ressemblance avec Himmler !).
Et bien sûr l'arc narratif principal d'Alex Murphy, joué par Peter Weller. Il suffit de la sympathie de l'acteur, quelques scènes, et cette fameuse "crucifixion" ultra-violente pour rendre le personnage attachant et donner un aspect christique à son histoire. Aspect largement mis en valeur par la mise en scène, entre deux réflexions sur la synergie homme-machine.
Sans compter la jolie BO composée par Basil Poledouris, mêlant instrumentation électronique et symphonique. Et les effets visuels et sonores au top pour l'époque : blessures spectaculaires et membres qui s'arrachent, stop motion, ou l'armure de Robocop, qui a toujours de la gueule des décennies plus tard.
Aussi drôle que pertinent, aussi jouissif que corrosif : "Robocop" reste un classique à voir !