RoboCop 3
3.7
RoboCop 3

Film de Fred Dekker (1993)

Ce n'est pas pour rien qu'Orion s'effondrait au moment de la production de Robocop 3; annonciateur de l'apocalypse, ce messager de l'enfer cinématographique s'est auto-détruit en même temps que sa boîte mère, à laquelle il n'a pu donner quelques ultimes revenus pour diminuer un peu les dettes de départ. Four monstrueux, on se croirait revenu au temps des Superman 3 et 4, à contempler, lassé, la déchéance d'une icône sans espoir de renouveau.


Même Peter Weller s'est barré, quand Nancy Allen décidait qu'on la tue dès le départ, pour éviter de suivre encore ce personnage dans d'autres interminables suites, possiblement encore plus mauvaises. Pas de chance pour le retour de Frank Miller, déjà auteur du très sympathique Robocop 2 : on l'a évincé du projet, non sans garder une partie de son script modifiée sans vergogne. A ses idées d'un Delta City purement dystopique, de nouveaux éléments ont émergé, tirés d'une imagination à ce point à la dérive qu'elle oppose Robocop à des ninjas machines (c'est tout de même un grand malaise à voir).


La présence au scénario des deux scénaristes relativement attitrés de la saga, Michael Miner et Ed Neumeier, également et surtout en charge de la désastreuse saga Starship Troopers amorcée par le superbe film de Paul Verhoeven, aura de quoi surprendre; si le premier Robocop est de leur fait, il était difficile de se dire qu'ils pouvaient, après un second Robocop très pertinent, détruire à ce point l'univers qu'ils ont participé à créer.


L'hécatombe se suit quand même avec un grand intérêt; au départ du moins, on reste surpris du hors-sujet total de l'oeuvre, partie dans un délire de peuple opprimé qu'il faut libérer des jougs de l'oppresseur capitaliste, façon John Connor en 1984. S'opposent au pouvoir des groupes de rebelles disparates mal grimés, mauvais acteurs qui se baladent par groupes de quatre ou cinq en faisant des grands gestes dans tous les sens, quand il n'est écrit qu'une gamine, connue depuis cinq minutes d'une triste exposition, pirate en 30 secondes chronos un ED-209, habilement renommé toutou.


Là où Robocop 2 désacralisait avec un grand talent la figure du super-héros, il s'agit ici de ridiculiser les antagonistes pour plaire à un figure plus jeune, et forcément friand d'humour bête, de personnages stupides sans motivations fouillées. Parents morts, méchants pas gentils, pourriture de riches, c'est à peu près la hauteur des arguments sortis pour s'opposer à un état dont on ne sait plus rien, si ce n'est que les méchants asiatiques, venus du pays des jaunes qu'on ne peut différencier, ont pour projet de racheter l'ancienne Detroit aux mains de ses derniers dirigeants, le vieux ayant laissé sa place à un pauvre dictateur en herbe plus comique qu'autre chose.


C'est là le principal problème avec Robocop 3 : tout est tellement fait pour être divertissant, pour plaire au public et sauver quelques biffetons avant l'abaissement complet du rideau qu'on en vient à suivre un troisième volet jurant drastiquement avec les deux précédents, au point même de trahir l'univers pré-établi par Verhoeven et les deux scénaristes précédemment cités. Là où ses ancêtres critiquaient le système en général pour livrer une réflexion sur notre société moderne (toujours d'actualité, trente ans plus tard), Robocop 3 se contente de faire de son Murphy, abominablement interprété par un Robert John Burke nageant dans sa combinaison de plastique, un ersatz de Superman dans ses suites en nanar, sorte de justicier au grand coeur et sans grand dilemme.


La mort de Lewis posait à ce sujet les bases d'une direction que le film aurait du prendre; la rendre Robocop également, perpétuer l'histoire des deux amants cachés pour conclure leur histoire d'amour sur une union enfin totale, entre deux machines amoureuses, rêveuses. C'aurait été mieux que de voir Murphy jouait les assemblements à la Optimus Prime sur un plagiat évident d'Iron Man, la classe en moins (forcément).


Jamais fin, rarement réfléchi, il nous transmet cependant quelques scènes rendues potables par le retour de la composition de Poledouris, légèrement changée mais toujours plus efficace, il est vrai, que le thème sans grande personnalité composé par un Leonard Rosenman pas très inspiré. Si c'est un plus, cela ne suffit pas à retrouver la personnalité visuelle de Verhoeven, désertée à la suite des excès du second, pertinent puisqu’éminemment différent du travail du hollandais.


On se retrouve avec un travail de mise en scène de tâcheron du z, où l'inconnu Fred Dekker, un scénariste de films d'horreur qui signait là sa seule réalisation (et sans même participer au scénario, c'est dire s'il fallait édulcorer Robocop), ne fait preuve d'aucune inventivité de mise en scène, d'aucune proposition à l'égard de son spectateur : terriblement plat, son travail ne sait même pas filmer ses scènes de combat au corps à corps. On se souvient de l'ignominie visuelle qu'incarne l'affrontement entre Murphy et le premier ninja, d'une raideur et d'un manque de chorégraphie affligeants.


Si l'on ne ressent ni les coups portés ni ceux ressus, on n'éprouve pas grand chose pour nos personnages principaux, outre la mort dans l'église réussie; il aura suffit à Dekker de montrer le masque de son nouveau Robocop pour provoquer un malaise intense chez son spectateur, très proche de la nausée. Cette nouvelle version au visage inexpressif à ceci de particulier qu'elle va à l'encontre de Weller : si la seule révélation de son visage à la fin du premier film faisait naître une grande empathie chez la plupart des spectateurs, celui ci ne laisse en tête qu'une farouche envie de vomir ses tripes.


C'est laid, mal écrit, mauvais, primaire : tout le contraire de ce qu'ont pu être les deux premiers films Robocop. Voilà une saga qui aura côtoyé le pire et le meilleur, avec un peu de médiocre, remake fade post-2000 oblige. Encore un potentiel gâché par des producteurs n'ayant jamais compris le travail de ce petit timbré de Verhoeven. Le résultat est triste à voir.

FloBerne

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