Comme j'aime la saga Rocky. Le personnage le plus emblématique de Sylvester Stallone, une saga avec ses qualités et ses défauts, au story telling à la fois simple mais imparable, et inspiré régulièrement par la réalité du monde de la boxe.
(Spoilers)
Novembre 1975. Rocky Balboa est un boxeur poids lourds local qui vit à Philadelphie. Le tout début du film ne se contente pas de nous introduire le personnage, mais il dévoile un pan peu glorieux du boxing business. Les petits faire-valoir indispensables à la boxe qui combattent pour des clopinettes, dans des clubs miteux où les règles de la boxe ne sont que modérément suivies. Rocky gagne son combat et remporte la somme vertigineuse de 40 dollars.
La boxe ne suffit évidemment pas à le faire vivre, il bosse pour un usurier minable mais répugne à démolir les clients qui ne remboursent pas, il vit dans une piaule minable, dans un quartier minable. C'est le brave type un peu paumé par excellence. Il ne trouve de réconfort qu'en s'occupant de ses tortues et en fricotant avec Adrian, jouée par Talia Shire, une jeune femme réservée qui bosse dans une boutique d'animaux. C'est même une Sainte-Nitouche car Rocky passe son temps à lui raconter sa vie et à lui livrer des blagues pas drôles, ça part dans tous les sens, et pourtant elle garde tout le temps son calme, c'est déjà un exploit.
Il faut dire que Rocky a plutôt l'habitude d'encaisser les gens qui le traitent mal. Notamment Mickey Goldmill, le vieux gérant de la salle de boxe du coin qui le méprise car selon lui Rocky aurait pu avoir une belle carrière mais a tout gâché. Parlons aussi de Paulie : C'est un ami de Rocky, le frère d'Adrian, il travaille dans des abattoirs. Soupe-au-lait, gras, qui a 35 ans mais en fait déjà 10 de plus, il est assez pathétique, mais peut devenir dangereux quand il est ivre. C'est un personnage central de la saga, j'aurais assez l'occasion d'y revenir.
Car ce film se concentre vraiment sur les personnages et leurs émotions sans tomber dans la caricature, la force de ce film est la simplicité et l'authenticité. Pour les fanas de films d'actions le rythme doit sans doute être trop lent... mais c'est très bien comme ça. Prenons la jolie scène du premier baiser entre Adrian et Rocky. On prend tellement son temps qu'on se croirait dans un film français. Mais au moins, pas de pathos. Pas de musique, tout juste quelques notes discrètes à la fin de la scène, et dans d'autres circonstances le plan serait assez vilain : On cadre sur le visage de Talia sauf que soudain Sylvester vient bouffer un tiers de l'écran. Mais c'est aussi grâce à ça qu'on est émotionnellement dedans.
Il faut dire aussi que le jeu de Stallone s'adapte bien au personnage. Il vivait dans 5 mètres carré quand il a écrit ce film. Rocky est un trentenaire sans le sou avec la boxe comme exutoire, le personnage a été crée par un trentenaire sans le sou avec l'écriture comme exutoire. Sly n'a jamais été un très bon acteur mais il est Rocky. Là, ça marche. Ce n'est pas son jeu qui est particulier, c'est juste que c'est la manière de s’exprimer de Rocky.
Mais continuons : Apollo Creed, joué par Carl Weathers, est le champion du monde de boxe. Invaincu, aucun adversaire n'a tenu 15 rounds contre lui. Il fait le show, et sa manière de parler ne trompe pas : L'influence de Muhammad Ali est évidente. Creed doit faire le match de boxe du bicentenaire mais l'adversaire prévu est blessé. On propose à Rocky de prendre sa place. C'est le tocard qu'on vend comme ça : « On offre à un boxeur que personne ne connaît la chance de sa vie en lui offrant un match pour le titre, car l'Amérique est le pays des opportunités et... » bref vous voyez le tableau. Dans ce film, Apollo préparera le combat plus en publicitaire qu'en boxeur. Comme je l'ai dit, on montre autant d'aspects de la boxe que possible.
Et la boxe c'est aussi l’entraînement et Rocky, lui, le prend au sérieux. D'abord, il se dégote un manager et, toujours dans son bon cœur, accepte que Mickey le fasse malgré leurs disputes précédentes, dans une des scènes les plus touchantes du film. Peut-être ma préférée.
Puis arrive l’entraînement physique. Levé à 5h du mat dans la froideur du mois de décembre, courir la nuit seul dans les rues de Philadelphie... Le début de sa préparation est montré avec aussi peu de montage que possible, avec un léger fond de musique sans entrain... en voyant cette scène j'ai presque froid aussi, elle représente très bien ce que c'est que se lever tôt en hiver pour sortir dans le froid et l'obscurité pour faire un truc détestable, quand l'appel de la couette est très tentant.
Mais bien entendu ce film a aussi popularisé un passage presque obligé d'un film traitant du sport : Le training montage. Tout montrer prendrait trop de temps, alors on résume toutes ses activités physiques dans un passage plus proche du vidéo clip. Et ce qui aide ici c'est que Bill Conti a trouvé la musique entraînante qui donne envie d'aller faire du footing, même à moi, oui ! Sérieusement, du footing... pourquoi pas marcher tant qu'on y est ? Le point d'orgue de sa course étant bien sûr la fameuse montée des marches. En théorie ça l'amène vers un musée d'art mais étrangement on l'imagine mal y entrer...
Arrive le soir du combat. C'est l'heure de la préparation et de la concentration ans les vestiaires. Puis arrive l'entrée des boxeurs, Apollo fait le show, Joe Frazier fait une apparition dans son propre rôle pour encourager les boxeurs avant le combat, comme les anciens champions le font souvent. Et le match commence. Rocky se montre vite plus brillant que prévu alors que la cote est de 50 contre 1 en faveur de sa défaite. D'autant plus à l'époque où les championnats du monde se jouaient en 15 reprises, le combat est résumé, il dure quelques minutes.
En terme de réalisme, ce n'est parfait mais tout de même bien plus que les combats qu'on voyait habituellement dans les films jusqu'ici. Et même dans des films à venir, y compris fait par des gens compétent. Par exemple, je maintiens, c'est bien mieux fait que dans Raging Bull où je trouve que les combats font abominablement faux. C'était la première fois qu'un combat de boxe de fiction était à ce point répété à l'avance avant le tournage, pour que tout soit coordonné comme un ballet, ce qui semblerait logique voire naturel aujourd'hui, mais pas à l'époque.
En vrai symbole qu'un petit, un sans-grade, peut brusquement entrer dans la lumière : Rocky a tenu la distance, il finit le combat debout. La décision des juges lui importe peu, elle ne sera d'ailleurs que très brièvement montrée. Rocky décide de prendre sa retraite, décision qui est bien sûr totalement irrévocable. Son désir une fois le combat fini est plutôt de retrouver Adrian, arrive donc la fameuse scène où il hurle son nom, leur déclaration d'amour mutuelle clos le film. Ce film qui fera un tabac à sa sortie (quand un film, outre les Oscars, rapporte 225 fois son budget...) est donc un grand classique et le début d'une saga que j'adore, bien qu'elle soit ponctuée de de hauts et de bas.