Stallone a signé quelques succès dans les années 90, Cliffangher, Demolition Man ou CopLand. Mais aussi une belle flopée d’échecs tant financiers que critiques, ce qui, outre le succès financier modéré de Rocky V (souvent vu comme un flop aujourd'hui ce qui est très exagéré) l'a bloqué dans la réactivation du projet d'un 6e volet. Il a donc fallu 15 ans pour réanimer le projet. En 2005 c'est lancé même si Sly, de retour à la réalisation, aura un budget assez modeste de 24 millions de dollars, soit moins que les deux précédents volets, malgré l'inflation. A l'instar du premier film, ce sera un tournage rapide. Nommé Rocky Balboa et non Rocky VI, il est sorti fin 2006 aux USA et en janvier 2007 en France, c'est le seul volet que j'ai vu au cinéma.
(Spoilers)
On retrouve donc Rocky, la cinquantaine bien tassée. Retiré de la boxe depuis des années, il vit toujours à Philadelphie, dans une petite maison pas moche mais ça n'a rien d'un grand luxe. Premier choc du film : Adrian est décédée, c'est d'ailleurs l'anniversaire de sa mort. Adrian morte entre les deux films, c'est un des changements de la vie de Rocky qui rend légitime un nouveau film, il y a de nouvelles choses à raconter sur la vie de Rocky. Désormais il tient un petit restaurant où il raconte ses histoires de boxe aux clients.
De caractère, Rocky n'a pas trop changé. Il fait toujours des blagues, met les mêmes fringues, est bavard, un peu vieux jeu... et nul en géo mais ça, peu importe. Rocky Jr. lui n'est plus joué par Sage Stallone mais par Milo Ventimiglia, qui est un bon choix aussi bien physiquement que dans son jeu. Bien qu'il voit encore son père parfois, il est assez distant avec lui car il n'est pas facile pour lui de faire oublier son célèbre patronyme dans son travail et ça le frustre. C'est déjà bien qu'il n'ait pas pris le nom de sa mère comme dans Die Hard. Leur relation débouchera sur certaines des scènes les plus réussies du film.
Je vous disais que la vie de Rocky avait changée mais Sly ne peut toutefois pas s'attarder à faire un peu de nostalgie. Ainsi, chaque année à la mort d'Adrian, Rocky fait une « tournée » où il emmerde Paulie dans des endroits qui ont compté pour leur couple, pour y évoquer ses souvenirs. C'est un passage qui verse un peu trop dans le mièvre, d'autant que le spectateur n'apprendra rien. Ironiquement, pour une fois je trouve que c'est Paulie qui apporte la charge d'émotion de la scène, quand il reproche à Rocky de trop ressasser le passer, et de ses propres relations avec sa sœur. Qui aurait cru que Paulie soit capable de ça ?
Quoi qu'il en soit, il faut une présence féminine dans le film alors Sly a cherché dans toute la saga, quelle autre femme qu'Adrian pourrait revenir ? La proprio de la boutique d'animaux ? Aucun intérêt. La pute qui accompagne Tommy dans le V ? Aucune sympathie. La femme d'Ivan Drago ? Non, faut pas déconner non plus. En excluant les caméos il restait donc la femme d'Apollo et celle qui sera finalement choisie : Sans doute influencé par Francis Cabrel, Stallone choisit de faire revenir la « Petite Marie » qui en background avait eu le droit à une scène dans le tout premier Rocky. Ce n'est pas la même actrice, mais l'autre avait 12 ans dans le premier film, donc 30 ans plus tard, la transition passe sans problème. Leurs scènes communes seront nombreuses et pas inintéressantes. Au contraire de celles où Rocky partage un peu de temps avec le fils de Marie, en particulier une où ils vont choisir un chien au chenil. Et encore, certaines ont sauté au montage.
Mais il y a bien sûr de la boxe dans ce film. Le champion du monde en titre est Mason Dixon. Il écrase tout le monde et manque de concurrence, sa popularité est en baisse. Dans la réalité les fans américains de boxe tueraient pour voir un compatriote champion poids lourds incontesté qui descendrait tout le monde vu la prise de pouvoir de l'Europe dernièrement, mais passons. On évoque le nom de Rocky malgré son âge après une simulation par ordinateur sur ESPN de 30 secondes... ouais, bon, un ordinateur calcule avec les données qu'on lui donne et à part les données concrètes (poids, taille) les autres sont subjectives.
Voir ça sur ESPN donne envie à Rocky de monter sur le ring, mais pour des petits combats locaux. Pour qu'on lui restitue sa licence, il doit passer des tests. Médicalement, tout est okay. Et voilà un problème de continuité : Les séquelles IRRÉVERSIBLES de Rocky au cerveau ont disparu. Stallone donnera bien une explication mais un peu fumeuse, et même si en y adhérant : Ce n'est pas dit dans le film. De toute façon malgré les tests réussis, la commission refuse malgré tout. Rocky se vide alors les tripes et nous sort son plus beau speech avant... le prochain dans 10 minutes.
J'ai du mal à croire que des gens d'une commission sportive craignant surtout qu'on leur tombe dessus en cas de grave pépin de santé d'un vieux à qui ils avaient imprudemment donné le feu vert se laissent attendrir. Même avec une super plaidoirie. Mais allez, admettons, car Rocky parle de vieillesse à des gens qui n'ont pas l'air très jeunes, donc, gardant un souvenir émus de l'époque où ils avaient une prostate, ils lui rendent sa licence. Ce qui amène les managers de Dixon à vouloir un combat avec Rocky quand ils découvrent que les gens en veulent ! Monter un combat a priori très déséquilibré juste parce qu'un nom est vendeur, encore un véritable aspect du boxing business.
Mason accepte ce combat pour son image. Notons qu'il est joué par Antonio Tarver, un véritable champion du monde. Au final il n'a pas tant de répliques mais sa performance d'acteur n'est pas déshonorante. Rocky lui, hésite. Il essaie de convaincre les gens pour se convaincre lui-même, et Stallone décide que la scène où il mettra son cœur à nu sera celle où Rocky est face à... Paulie. Judicieux, isn't it ? Pourtant, une nouvelle fois je mentirai si je disais que Sly s'en tire mal dans ce genre de cas.
La « petite Marie » elle, abonde tout de suite dans le sens de Rocky avec comme argument principal, « Un boxeur ça boxe. » Imparable. Je crois que même Rocky qui n'est pas très malin savait ça, Marie, c'est dire... Mais au moins Rocky peut la remercier, elle l'encourage à faire ce qu'il aime faire. C'est genre « Merci ça me change d'Adrian, elle voulait jamais elle, même quand j'avais 20 ans de moins ». Le fils de Rocky en revanche est moins jouasse car il va encore lui faire de l'ombre, donc Rocky doit sortir son autre grand speech du film. Rien de vraiment mauvais, mais pas très original.
Rocky démarre donc son entraînement, aidé par le seul autre personnage secondaire que Paulie qu'on voit dans tous les films, Tony Duke, l'ancien entraîneur d'Apollo, puis de Rocky. Il décide d'axer sa préparation sur la pure force de frappe, et voici l'inévitable training montage. Je me souviens que dans la salle de cinéma, des gens ont rit au début, très probablement vu son âge, malgré la musique de Bill Conti gentiment réarrangé, malgré la fameuse montée des marches, et sous la neige cette fois.
Nous arrivons à Las Vegas pour le combat. Sly l'a voulu le plus proche de la réalité possible. Du coup, tout doit être comme une retransmission sur HBO. La présentation, l'entrée grandiloquente, Michael Buffer pour son fameux « Let's get ready to rumble ! » un arbitre réel, Joe Cortez, et la réalisation également. Et là, de quoi faire taire quelques rires, Rocky retire son peignoir et on voit comme il est bien gaulé à 59 ans. D'ailleurs les commentateurs donnent judicieusement un véritable fait sportif en début de combat « Si le vieux George Foreman a pu, pourquoi pas le vieux Rocky Balboa ? ». Oui mais pour information, quand Foreman est redevenu champion du monde, il avait 45 ans, et non pas presque 60.
Stallone prenant tout de même en compte le côté match d'exhibition, il ne durera que 10 rounds. Et si on excepte l'âge de Rocky, c'est le plus réaliste de la saga. Il faut dire que les coups ont été vraiment donnés ! Pas aussi fort que suggéré dans le film certes, mais assez pour qu'ils aient des vraies marques sur le visage. Ils n'ont pas essayé de faire passer un coup donné dans l'air pour un vrai coup en rajoutant un bruit contrairement aux anciens films. Le bruit des coups d'ailleurs est, pour la première fois, réaliste. Dans les vieux c'était souvent du grand n'importe quoi. Le résultat est un combat d'une certaine intensité. Sly, tu as encore réussi.
Le fan de boxe que je suis ne peut s'empêcher de pinailler : Il oublie tout de même ce qu'est la garde d'un boxeur dans la chorégraphie du combat et je vois pas comment Rocky peut être si proche aux points selon les juges, ça ne marche pas d'un strict point de vue mathématique. Enfin, si le film était aussi censé montrer une amélioration dans la vie de Mason, manquer de peu de se faire battre par un quinquagénaire n'était sans doute pas l'idéal. Mais pour tous les fans, il se finit de manière bien plus satisfaisante que le précédent, j'ai écrasé ma petite larme avec l'épilogue final.
Sly s'est arrangé pour renouer avec une histoire simple et plus moderne, on retrouve Rocky avec un grand plaisir, il y a des bons choix de mise en scène et le combat est à peu près crédible. Cet épisode sera un succès critique et financier, la saga Rocky est décidément une des poules aux œufs d'or de la MGM.
J'aime cette saga, je la prends avec ses qualités et ses défauts. Pour la sincérité qui en émane même maladroitement, pour la boxe, pour ses personnages attachants, en premier lieu... et bien, Rocky. Le jour où Sly mourra, Rocky mourra avec lui. Et le plus fou c'est qu'avec Creed, Rocky n'a pas encore fini de nous accompagner.