Le premier film était étonnant. En fait d'"american dream", on nous présentait tout de même un personnage qui finissait par perdre son grand combat. Sa seule victoire, son seul objectif, avait été de tenir la distance, de prouver qu'il pouvait encaisser plus que de raison. Il montrait ainsi, à sa ville, à sa petite amie, à son entraineur, mais surtout à lui-même, qu'il valait mieux que l'image qu'il renvoyait, celle de la médiocrité velléitaire, de la jeunesse désabusée, déjà essoufflée avant le premier round.
Rocky n'avait pas de motivation parce qu'on ne croyait pas en lui. Mickey, son entraineur, ne croyait plus en lui à cause de cette résignation. Cette boucle vicieuse, c'est le collet qui étrangle chacun de nous s'il n'y prend garde. La perte de sens qui s'auto-alimente, désacralisation et refus du destin. Mais ce premier film restait plutôt réaliste. Rocky ne pouvait devenir champion du monde. Manque de temps, d'expérience... et disons même de technique, l’Étalon Italien souffrant d'un style par trop pataud pour s'imposer face à la finesse d'un dieu du ring. Le premier Rocky renvoyait ainsi au combat étonnant mais tout à fait réel qui opposa l'inconnu Chuck Wepner à Mohammed Ali, avec un résultat final assez similaire.
Un tel film se suffit à lui-même. Mais voici qu'une suite est décidée. Et là, la surprise n'est plus possible. Le seul scénario envisageable est une revanche entre les deux boxeurs. Le seul résultat qui pointe à l'horizon appartient au rêve hollywoodien et à ses excès.
Il n'est pourtant pas question d'une suite purement commerciale et cynique. Stallone, toujours acteur et scénariste, assume aussi la casquette du réalisateur. Pari risqué puisque sa première tentative dans ce rôle délicat avec La Taverne de l'Enfer, l'année précédente, ne fut pas un succès mémorable. L'artiste, tout comme son alter-ego de fiction, a tout à (re)prouver, malgré un premier succès. L'implication est indéniable et renvoie encore une fois à l'histoire vécue par l'artiste: une réussite ne suffit jamais. Le combat est incessant, sur le ring comme dans la vie.
On rejoue le premier film mais tout devient plus intense. La critique sociale est renforcée. Rocky est cette fois clairement dans la merde, alors qu'il subissait son sort sans trop de remous auparavant. Le misérabilisme n'est pas loin. L'histoire d'amour avec Adrian frôle le mélodrame, et la caméra s'attarde sans doute un peu trop longtemps sur l'épreuve de l'hôpital. Le rythme du film en souffre. Même le physique des boxeurs subit de plein fouet cette exagération qui enrobe tous les aspects du projet: une bonne douzaine de kilos de muscles en sus, pour Apollo comme pour Rocky: on remerciera le chimiste alloué aux acteurs pour ses cocktails de fruits bardés de vitamines !
Piégé par son scénario, Stallone ne peut faire qu'un remake de sa première histoire, avec les incohérences que cela suppose. Un œil presque aveugle, notamment, semble se rétablir miraculeusement en cours de route. On dira que les prières du boxeur se sont finalement révélées utiles...
Ces maladresses ont pourtant leur charme. La sincérité, la foi, l'énergie folle de Stallone sont au service d'un nouveau message, plus terre à terre que ce que laisse présager l'emballage un peu pesant du film: l'idée d'un combat récurent, quotidien, qui laisse toujours insatisfait, qui ne remplit jamais tout à fait ses promesses. L'impression aussi, parfois, qu'il n'y a plus qu'une seule route à prendre et qu'il nous faut la parcourir jusqu'au bout, malgré la pression, la peur et les dangers.
Des valeurs simples, authentiques, qui servent de porte-étendard à un héros particulièrement réussi, un titan un peu bête et nonchalant mais bourré de bonnes intentions et d'une résistance hors du commun. La machine est maintenant lancée et chaque épisode racontera le même combat, orné des mille et une variations dont est capable le cœur humain.
Épopée Rocky:
Rocky: https://www.senscritique.com/film/Rocky/critique/219121374
Rocky III: https://www.senscritique.com/film/Rocky_III_L_OEil_du_tigre/critique/116344628
Rocky IV: https://www.senscritique.com/film/Rocky_IV/critique/221980430
Rocky V: https://www.senscritique.com/film/Rocky_V/critique/222583800
Rocky Balboa: https://www.senscritique.com/film/Rocky_Balboa/critique/29214257