Plus qu'un film sur les bidonvilles de Medellin ou un documentaire misérabiliste, ce que pourrait laisser croire sa photographie assez crue et son casting d'acteurs non professionnels, Rodrigo D. est avant tout une fresque nihiliste et musicale, ce que retranscrit bien mieux le titre original qui reprend le slogan "No Future" du courant punk britannique. Rodrigo est un jeune paumé qui présente des troubles comportementaux et une forme de dépression sévère liée à la mort de sa mère. Il est assez maladroit dans ses interactions avec son père, sa sœur, et les autres jeunes de son âge. Il ne rêve que d'une chose, posséder une batterie, ce que ses moyens ne lui permettront pas -- il devra se contenter de baguettes et de mimer les percussions et le chant, pendant qu'autour de lui la jeunesse s'écroule dans le piège mortel des bandes et de la délinquance dans la quasi-indifférence de tous.
Le film est tourné entre 1986 et 1988 dans les quartiers nord de Medellin, en pleine effervescence d'une scène punk locale très dynamique. C'est aussi la dérive d'une ville déchirée entre l'urbanisation anarchique liée aux grands déplacements de population et la violence des narcotrafiquants, violence souvent absurde qui conduit à des vies consommées trop vite et des gamins enterrés avant leur 20 ans, comme le rappelle la dédicace au générique de fin, aux 4 acteurs morts entre la fin du tournage et la sortie du film.
Ramiro Meneses, le protagoniste principal s'en est plutôt bien tiré et a réussi une belle carrière dans le cinéma colombien. Alors, no future ? Pas que. Le film lancera aussi la carrière de Victor Gaviria (La Petite marchande de roses, Sumas y Restas), premier réalisateur colombien présenté à deux reprises au Festival de Cannes.