Il y a quelque chose de presque magique dans la faculté qu'ont les scénaristes (ils s'y sont mis à quatre ici) pour faire d'une simple phrase dans l'épisode IV un scénario qui tient assez bien la route pendant un peu plus de deux heures.
Cette première tentative de spin-off se révèle presque même comme une réussite, si on le considère rétrospectivement à l'aune de l'épisode 7. Ne pas s'inscrire dans la grande geste des personnages principaux de la saga de papa George affranchit le récit de beaucoup de pesanteurs et d'un certain nombre d'obligations du cahier des charges: beaucoup des (finalement nombreuses) références semblent plus la pour le plaisir (celui de la surprise) qu'autre chose.
Pour autant, ces rappels, notamment visuels, ne sont pas toujours totalement heureux: voir la laborieuse reprise de la séquence d'initiation du rayon de l'étoile noire (#old school vocable), une première fois amusante, une deuxième puis une troisième bien plus pesante.
Au final, une absence d'ambition (au regard du poids d'un héritage sans doute trop lourd à porter) aussi libératoire qu'un peu vaine (on sait des le début comment se finira l'épopée du jour). La patte de Gareth Edwards, discrète mais présente, apporte d'ailleurs une touche personnelle assez bienvenue à ce chapitre de la franchise.
Cet affranchissement passe par un ou deux sacrifices à la fois nécessaires et questionnants: si l'absence de générique déroulant ressemble à une idée efficace pour différencier un "vrai" épisode d'un faux pour le profane, celui d'une musique presque totalement originale frustre plus qu'elle ne libère. Les quelques thèmes parcimonieusement égrenés (il faut presque attendre un quart d'heure pour le premier d'entre eux) soulignent avec force ce que le score de Michael Giacchino fait perdre comme souffle à l'ensemble.
Ce qui permet de nous interroger sur ce qui fait un bon film de la saga Star Wars, spin-off ou pas. Plus que les décors, les costumes, les vaisseaux ou les effets spéciaux, un bon épisode tient sur deux éléments: sa musique (donc) et ses personnages. La grande faiblesse de la prélogie reposait entre autre (et surtout ?) sur l'inconsistance de ses personnages, ce que l'épisode 7 parvenait difficilement à camoufler derrière ses come-backs scenaristiquement jouissifs.
C'est aussi ici la grande faiblesse du projet. Si la relation entre Galen et Jyn est la partie réussie de l'histoire, la destinée des acolytes (Cassian -transparent- Chirrut ou Baze) nous sont rapidement totalement indifférents, ce qui est d'autant plus dommage que
l'une des fortes réussites du film est précisément la façon dont finissent tous nos héros.
Le dernier quart d'heure, si on fait l'impasse sur les traditionnelles scènes où tout s'arrête autour du side-kick agonisant pour qu'il puisse murmurer calmement son dernier message plein d'humanité et de (use the) force (Luke), est de ce point de vue assez réjouissant, et à tendance à rehausser le tout de manière assez revigorante.
Un dernier mot, enfin, sur l'utilisation de personnages en CGI, et sur la façon dont elle est symptomatique, peut-être, de l'évolution du cinéma: dans les deux cas, les toutes premières secondes sont jubilatoire (entre autre par les possibilités infinies qu'elles offrent) pour se révéler rapidement un poil écœurantes. L'artificialité surgit au cœur du tour de magie, et nous rappelle à quel point trouver l'équilibre entre émerveillement et duperie est délicat. Ces procédés technologiques, comme souvent en ce qui concerne l'entertainement de ces dernières années, devraient bien plus souvent se contenter d'un plus mystérieux mais enivrant jeu d'ombres.