Qu’on se le dise, Hollywood avance ses pions avec ses grandes sagas ou ses grosses franchises mais détourne son regard par des chemins de traverse différents. Au lieu de mettre les pleins phares sur les figures de proues mastodontes, cette machine cinématographique décide depuis peu de mettre des visages sur des noms moins connus, d’observer l’histoire par le bout de la lorgnette. On pourrait penser que cette volonté est de rendre hommage à la petite histoire qui fait naître la grande histoire, mais d’un point de vue purement terre à terre, les grands studios de production agrandissent leurs multiples univers non pas pour fluidifier leur aura créatif mais pour accélérer cet état de marche qui connait que peu de grain de sable.
Et là, Rogue One arrive dans les salles : un énième épisode de la franchise Star Wars qui va nous permettre de voir l’épopée qui donna l’espoir à toute une galaxie. Les données qui pourrait permettre de détruire par la suite, la fameuse Etoile Noire. Il est intéressant de noter que deux grandes franchises cinématographiques étalent sur la table leur équipe de rebus, des gens qu’on envoie au casse-pipe alors qu’ils n’ont pas forcément la gueule de l’emploi. Après DC Comics et son catastrophique Suicide Squad, c’est Star Wars qui éveille l’ombre de son antre pour voir briller la lumière. Et dans le combat entre les deux teams, Rogue One l’emporte haut la main.
Rogue One décèle de nombreuses qualités et Gareth Edwards n’y est pas pour rien. Sa façon de voir le cinéma est en totale adéquation avec l’identité même de l’épisode : voir la guerre par l’intime, l’humilité du silence et du sacrifice qui voit l’humain gagner par sa bravoure. Sachant que le réalisateur aime s’immiscer dans des films de monstres avec une mise en scène qui reste coller à l’humain, Gareth Edwards était sans doute l’homme parfait pour filmer au plus près, cette équipe anonyme qui ne l’est plus.
Mais alors qu’on restait sur sa faim avec son dernier Godzilla où l’action stagnait et s’accommodait de nombreuses coupures frustrantes, cette fois il déploie son savoir-faire visuel pour agencer avec qualité une guerre stellaire digne de ce nom. Certes la magie n’opère pas toujours malgré un montage qui calibre aisément la puissance de certaines séquences notamment dans les airs, mais Rogue One affiche une tenue qui respecte à la fois sa saga et aussi le spectateur qui s’immerge très rapidement dans un environnement bien connu (nombreuses références et quelques fan services dispersés par ci par là). Mais derrière cet émerveillement parfois diffus, on revient vite sur terre car Rogue One n’est pas exempt de tous défauts.
Oui, Rogue One s’incorpore avec mérite dans l’univers de la saga et surtout à cette grande qualité de bouger comme étant un film en tant que tel, et dispose d’une personnalité qui lui est propre sans faire office de bouche trou. Mais cela ne fait pas tout. Car à force de vouloir jouer la carte de l’humilité, le film oublie de se sublimer et ne décolle jamais vraiment mis à part un final intrigant. Derrière cette quête d’un père qui se noie dans le camp adverse en étant à l’origine de la machine de la mort, ces jedis qui sont des vagabonds, cette fille qui veut se rapprocher de son passé par le but, cette radicalisation de la rébellion, Rogue One détonne par un contexte loin de la luminosité habituelle.
Sauf que cette pénombre n’est pas forcément assumée jusqu’au bout : les quelques gimmicks drolatiques inutiles, la sempiternelle recherche paternelle. Et puis Rogue One intervient très vite, trop vite après le film de JJ Abrams. Et malgré les lacunes de ce dernier, certaines différences font mal à l’œuvre de Gareth Edwards. Notamment le charisme d’un duo qui semble avoir les épaules trop frêles pour tenir une guérilla aussi intense : une Felicity Jones trop monolithique et surtout un Ben Mendelsohn insignifiant.
Dans cet horizon où la réalisation reste proche de l’homme, Gareth Edwards se met une nouvelle fois une épine dans le pied à unifier son film autour de personnages peu ou pas écrits. Et dans un film de bandes où le rythme s’étire et est en dent de scie, ça devient un problème sans solution : même si le film nous emporte dans sa folie grandissante, le sacrifice des uns et des autres n’est qu’une étape qu’on oublie aussi vite qu’elle fut vécue, exceptée la bonté et la complémentarité du duo Chirrut et Baze.
Et là, est la grosse frustration qu’engrange le petit dernier de la firme Disney : un film qui a le cran de noircir le tableau, de vouloir assumer son aspect plus adulte mais la complexité initiatique est néante, la finalité funeste de cette troupe intrépide devient insipide et émotionnellement pauvre. Rogue One est une guerre stellaire parfois flamboyante mais anéantie par son manque d’aura, la pauvreté de sa faculté à fasciner ou à prendre par la main. Et c’est avec les vieux pots qu’on fait les bonnes confitures : à l’image de l’arrivée finale de Dark Vador et la tempête qui s’abat.