La grande inconnue de cette année. Disney avait averti : il y aura un film Star Wars par an sur la prochaine décennie, alternant intrigue principale et spin-off. Et pour lancer cette anthologie, Mickey a décidé de parier sur un vieux projet qui circulait déjà depuis plusieurs années, à savoir raconter les vols des plans de l’Étoile Noire. En d’autres termes, proposer un film dont la fin est déjà connue et le destin des personnages principaux scellés. Un pari risqué, qui ne s’est dévoilé que peu à peu, au travers de bandes annonces énigmatiques, d’éléments de l’intrigues donnés au compte-goutte et un casting plutôt alléchant sur le papier.
Le résultat final ? Un film radicalement différent de ce que la plus grande saga cinématographique a pu offrir jusqu’à présente, mais au final un film qui endosse complètement son statut de spin-off et s’intègre à merveille à l’œuvre originale comme rarement un spin-off a réussi à le faire jusqu’à présent. Et au bout, pas moins que l’un des meilleurs films de la franchise, derrière le sacro-saint Empire contre-attaque !
L’histoire est extrêmement intéressante. Son principal défaut résidera dans son introduction, avec une intrigue qui, après une ouverture dramatique comme Star Wars sait nous en donner, a du mal à se mettre en place. Ça se disperse beaucoup un peu à droite à gauche et on sent un petit côté laborieux pour finalement réunir l’équipe centrale. Passé la première partie, en revanche, ça deviendra beaucoup plus fluide et captivant. On se retrouve à l’aube d’une ère nouvelle pour la Galaxie, on sent un Empire Galactique
au sommet de sa force et assuré de sa suprématie
tandis qu’au contraire, l’Alliance Rebelle
finit par perdre tout espoir en l’avenir et commence à se déliter
sous nos yeux.
Mais cela sera sans compter sans la détermination de Jynn Erso. Qui à l’image de Luke, d’Anakin ou de Rey avant elle, se retrouve entraîner dans une aventure contre son grès mais qu’elle finit par embrasser et, mieux, à en devenir le fer de lance. Et au final, elle en devient même une des héroïnes les plus attachantes et les plus intéressantes de la franchise, peut-être parce que libérée d’une destinée cachée et guidée par un seul et unique objectif. Elle s’entoure de personnages tout aussi efficaces dans cette représentation de l’univers Star Wars à cette période.
Certes, on n’aura pas une alchimie aussi efficace que dans la première trilogie (plus similaire à ce qu’on a pu voir dans Le Réveil de la Force), et aucun des autres Rebelles n’aura le charisme d’un Han Solo ou d’un Obi-Wan Kenobi. Mais Cassian nous montrera parfaitement ce soldat Rebelle fatigué de ses combats, Baze cet ami qui a perdu la foi, Chirrut cet ami qui justement ne perd pas la foi, Bohdi celui du pilote/surdoué de l’équipe et K-2SO qui fera le rôle du droïde et de comic-relief à merveille. Et chose plutôt rare dans un tel film choral, le développement des personnages est extrêmement équilibré, chacun ayant droit à sa scène tout en apportant vraiment quelque chose tout au long du récit. C’est une des grandes forces de ce film, contrairement à la plupart des blockbusters actuels qui, pourtant, affichent une demi-heure supplémentaire.
Autour d’eux, on se retrouvera avec une palette de personnages, à commencer par l’excellent Directeur Krennic, qui prend à merveille le rôle d’antagoniste impérial, ou encore Galen Erso,
à qui on doit finalement tant.
Tout comme le général Draven du côté de l’Alliance. Enfin, il y aura bien sûr cette pléiade de caméos, tous plus jouissifs les uns que les autres
(Leia et Bail Organa, Mon Monthma, C3-PO et R2, les deux clients de la Cantina dans l’épisode IV, sans oublier l’énorme surprise de Tarkin (best cameo of the year) et puis bien sûr Vador en personne, mais on reviendra plus tard là-dessus)
, mais surtout la plupart sont utilisés avec intelligence, soit pour renforcer le lien à l’univers, respecter les vieilles traditions ou bien apporter un réel plus à l’histoire.
La troisième partie du film sera sans doute la plus intéressante. Non seulement parce qu’elle est délimitée par les deux scènes où mon chouchou apparaît (and my Vader, quelles apparitions !), mais aussi parce que c’est celle qui nous amène au cœur même du récit, le pourquoi de cette histoire, et qu’elle cristallise tout ce qui a été mis en place auparavant. Ainsi, on aura notre équipe de héros qui tente le tout pour le tout parce qu’il n’y a rien d’autre à faire, un Empire qui vacille mais reste encore maître de la situation, et une Alliance Rebelle qui finit par s’unir autour d’un symbole, une idée. On sentira que c’est là qu’Edwards voulait aller, et qu’il a eu la liberté d’aller au bout de son idée.
Le tout servi dans la meilleure bataille de toute l’histoire de Star Wars, donnant tout son sens au terme « Guerre des étoiles ». Ici, ce n’est plus un combat entre le Bien et le Mal, c’est un combat entre l’Oppression et la Liberté, la Terreur et l’Espoir. Une véritable guerre, au sens primal du terme. Ce qui fait de Rogue One le premier véritable film du genre dans la franchise. Et on suivra d’ailleurs l’évolution assez logique :
on débute par une insurrection, puis une infiltration pour se conclure sur une opération commando au sol doublée d’une guerre ouverte dans l’espace.
Là où la Bataille de Génosis était au final décevante, là où Hott ou Endor (on retrouvera d’ailleurs beaucoup de l’idée) souffraient des limitations techniques de l’époque, là où Coruscant restait centrée sur le fil conducteur de l’histoire ; Scarif piochera dans ces différents éléments du matériel original pour n’en garder que le meilleur et nous offrir la bataille que chaque fan s’est imaginé un jour. Que ce soit par les figurines, les Lego, les jeux vidéo ou notre simple imagination ; nous avons toujours plus ou moins rêvé de voir une telle bataille un jour à l’écran.
Et là où Rogue One fait très fort, c’est dans sa conclusion. On connaissait la fin, mais Edwards prend ici la décision d’aller au-delà du simple prologue, et de proposer un film qui peut directement se brancher au précédent, comme un véritable prologue. Comme si Rogue One n’était au final que l’ouverture en image du menu déroulant devenu depuis légendaire. Et il réussit parfaitement à endosser cette légende. Le film est une véritable réussite sur tous les niveaux, son seul défaut s’avérant, comme je l’ai dit, son début laborieux.
Au niveau du casting, je n’ai pas grand-chose à dire. Comme j’en ai fait part plus haut, l’affiche était extrêmement alléchante. Felicity Jones incarne à merveille son personnage, réussissant à lui insuffler le charisme et la force, mais aussi la tendresse et le charme, qui en fait un des plus attachants de la franchise (et, probablement, le meilleur personnage principal). Comme souvent avec elle, il y a ce petit truc qui nous accroche et ne nous lâche jamais. Diego Luna, Donnie Yen, Wen Jiang, Riz Ahmed et Alan Tudyk apportent un très bon soutien à l’ensemble : le jeu n’est pas flamboyant, mais on finit aussi par s’attacher aux personnages et ils les incarnent très efficacement.
Forest Whitaker est un peu absent dans ce film, son personnage étant sans doute le moins bien développé. En revanche, extrêmement satisfait des prestations de Mads Mikkelsen
(qui s’avère donc être aussi génial pour interpréter les gentils que les méchants)
et surtout Ben Mendelsohn, qui m’a vendu du rêve tout au long du film, et réussit à maintenir son charisme même face aux personnages légendaires à qui il fait face.
Et puis bien sûr, il y a le seul, l’unique, l’inégalable James Earl Jones qui reprend du service pour donner sa voix au plus grand personnage de l’histoire du cinéma, le seigneur noir des Sith, Dark Vador. Ses apparitions seront minimes, succinctes, mais chacune s’avérera un véritable bonheur pour le fan absolu que je suis.
Sa première scène nous renvoie au bons vieux temps de la trilogie originelle, où Vador était cette menace toujours planante et terrifiante ; le tout porté à merveille par la voix de Jones, et aux répliques toujours aussi jouissives.
Quant à la seconde… La seconde s’avérera tout simplement la meilleure représentation du personnage à ce jour, celle dont on avait toujours rêvé là aussi, celle qui illustre pourquoi Vador est l’être le plus craint de l’Empire, appuyant son rôle de main armée de l’Empereur. Et l’évolution du personnage est là aussi géniale, parce qu’on commence là où il est né dans l’univers, le montrant faible et presque pitoyable dans son caisson ; et puis lentement, son ombre grandit (à l’image de son entrée), pour finalement se conclure là où il est né aux yeux du public, le montrant plus dangereux qu’il ne l’a jamais été.
Et non seulement cette scène est extrêmement intense et violente, mais cela se reflète également sur les personnages rebelles, qu’on voit en panique totale pour tenter de sauver les plans et les transférer. Cette terreur viscérale, implacable, ultime qui émane de Vador est plus que palpable à l’écran de part toute la construction de la scène (cette entrée… tellement facile et prévisible parce qu’on en rêvait depuis des lustres, mais tellement jouissive de la voir enfin), ce qui transcende l’ensemble à son paroxysme. D’ailleurs, au premier visionnage, j’étais moi-même en transe.
Bref, le casting n’a pas déçu, James Earl Jones reprend du service fidèle à lui-même pour ce qui est de la meilleure représentation de son personnage emblématique.
Techniquement, le film est une véritable réussite. Le seul point un peu en-dessous du reste sera la musique. Comme toujours dans ce genre de situation, Giacchino réussit plutôt bien à s’inscrire dans l’univers musicale de la franchise (y compris dans Le Réveil de la Force par certaines sonorités), en réemprunté les thèmes mythiques là où il faut, les réorchestrant (parfois grossièrement) par moment pour proposer de nouveaux thèmes pas forcément mémorables mais efficaces pour servir le film (le thème de Jynn notamment, que j’ai beaucoup apprécié). On restera à jamais dans l’inconnu à propos de ce que Desplat aurait pu offrir ; mais reconnaissons que Giacchino, pour le délai qu’il a eu (à peine plus d’un mois) a réussi à proposer une BO qui fonctionne, et qui passe d’ailleurs mieux au second visionnage.
Pour le reste, c’est du top level. Les décors sont magnifiques, que ce soit sur les différentes planètes très diversifiée (on a en presque une dizaine au total), que les intérieurs (ah, la salle d’opération de l’Étoile Noire, elle m’avait manqué). Les différents environnements sont vraiment très chouettes, mais on retiendra celui paradisiaque de Scarif, ce qui contraste plutôt bien avec les évènements (là où Hoth ou Génosis étaient des environnements hostiles au départ). Féérique.
La mise en scène d’Edwards est très intéressante, réussissant à jongler sur les deux aspects de son films, que ce soit les plans généraux remplis de détail du space opera et ou ceux au plus proche des acteurs du film de guerre, tout en gardant une identité commune (avec parfois de superbes transitions) qui garde le spectateur au sein de l’histoire, mais aussi en reprenant les codes classiques des autres Star Wars. On a ainsi un film à l’identité visuelle particulière mais, comme pour son histoire, s’inscrit parfaitement dans l’ensemble.
Quant aux effets spéciaux… Bah, c’est effectivement une claque visuelle avec un véritable déluge, mais étrangement ce ne sera pas du côté des scènes de batailles qu’on trouvera ceux qui m’ont le plus impressionné, mais bien dans
les apparitions de Tarkin et Leia, en collant numériquement les visages originaux de Peter Cushing et Carrie Fisher. Le premier était complètement inattendu pour moi, mais ouvrant du coup la voie logique au second.
Il y a encore des défauts, mais le réalisme est saisissant.
Rogue One : A Star Wars Story est donc une réussit à tous les niveaux. Si on oublie son début un peu laborieux, c’est un véritable régal, la dernière partie faisant à coup sûr partie des plus grands moments de l’histoire de la franchise, que ce soit par son intensité et son impact sur l’ensemble de l’histoire. Peut-être pas le Star Wars ultime, mais sans doute le Star Wars qu’on voulait voir depuis très longtemps. Et puis Vador quoi !