Rojo, comme le dit son réalisateur, n'est pas seulement un film se déroulant dans les années 70, même si le non-dit caractéristique de l'Argentine de cette période reste le thème centrale du film.
C'est aussi au niveau de la réalisation que le film se veut 70's, fondus-enchainés, zooms, ralentis, scènes de routes filmées du capot, etc... Le tout digéré et, quarante ans plus tard, retransmis avec tout l'amour que le réalisateur semble avoir pour des réalisateurs comme William Friedkin (les fondus-enchainés de la fin de Sorcerer) ou Sydney Lumet (la violence et la paranoïa de The Offence). La volonté d'être au plus près de tout ça va jusqu'à l'utilisation de lentilles et de compresseur d'époque, on est donc non seulement face à un film d'époque mais aussi, dans une certaine mesure, fait à la manière de l'époque.
Et si cette volonté de refaire vivre une période à des chances d'être anecdotique il n'en est rien, autant la manière de faire un film est inspirée du cinéma américain, autant c'est bien l'Argentine pré-junte militaire qui en est le sujet. Une société ou chacun ne cherche rien d'autre que son petit profit, et ne veut surtout pas risquer de faire dégringoler sa situation, "Si nous le faisons pas d'autres le ferons bien". On préfère ne rien dire de ce que font les autres, en espérant qu'ils en feront de même. Même le spectateur se retrouve dans cette situation de se douter de quelque chose sans pouvoir l'affirmer catégoriquement, habile!
Mais si le film s'était uniquement contenter de parler de la situation sociale de l'argentine de 1975, en la mettant en scène avec toutes les qualités du cinéma américain des 70's; il n'aurait peut-être pas été si digeste que ça. Ici il le fait avec un humour absurde puisé dans le jeu très codé, assez peu naturel de ces années là.
Tout cela est donc bien goutu, même si certaines scène s'égarent un peu; l'atmosphère de non-dit continuel, tantôt pesante tantôt presque risible, allié à la photo, et l'ensemble de la réal, vous emporte totalement;