Es la historia de un amor...
Julio Medem s'est dévoilé au grand public avec Lucía y el Sexo en 2001, son premier grand succès internationalt, révélant au passage le talent de la charmante Paz Vega. Il a fait le buzz l'an dernier en tournant dans les festivals de cinéma avec ce film qui est arrivé comme une petite bombe de fraicheur dans l'univers plutot fermé et underground du cinéma LGBT. Exercice de style ou simple fantasme hétéro? Le chirurgien devenu cinéaste s'attaque ici à un genre particulier du cinéma qui à tendance à provoquer et à sortir le spectateur des sentiers battus pour le livrer en pâture à une relation passionnelle entre deux être. Simple buzz pour faire parler de lui où véritable film intimiste? La question ne se pose plus et Medem surprend encore agréablement son public
Beaucoup sont monté au créneau avec ce film, criant au film lesbien pretexte à ne montrer uniquement qu'un enchaînement de scènes 'érotiques' vide de sens. La plupart se sont bien vite ravisé, car Medem ne fait rien de plus que vivre avec les moeurs de son temps tout en cherchant à toucher un public qu'il n'avait pas vraiment su interesser jusque là. Si Habitación en Roma montre une relation passionnelle entre deux femmes, le film aurait très bien pu fonctionner avec deux hommes ou avec un homme et une femme. L'important n'est pas le 'genre' du couple, mais bien le huis clos intimiste où deux personnes se livrent sans pudeur. Des films de ce type, il en existe bien d'autres et celui là ne fait qu'ajouter sa pierre à l'édifice d'un genre trop souvent décrié. On se souviendra par exemple de 9 Semaines 1/2; Le Dernier Tango à Paris; Une Liaison Pornographique ou encore Anatomie de l'Enfer qui ont tous exploré un pan plutot marginal de la libido humaine, chacun y allant de sa vision et n'hesitant jamais à choquer pour ouvrir ou liberer les esprits les plus étroits. Le film de Medem se veut plus théâtral et plus humain à la fois. On a ici une unité de temps et une unité de lieu qui exacerbent le coté intimiste de l'histoire et de la relation entre ces deux femmes, plongeant litteralement le spectateur au coeur du sujet, enfermé avec ces deux femmes qui se découvrent et se dévoilent. La réalisation est intelligente et ne fait jamais dans le voyeurisme. On trouve ici un rythme calme et lancinant, évoluant à mesure que la relation entre Alba et Natasha s'intensifie ou s'apaise, donnant l'impression que le tempo est calqué sur les battements des coeurs de ce couple. Les mouvements de camera et les cadres sont précis et posent clairement un coté artistique et contemplatif sur cette chambre d'hotel. Souligné par de veritables tableaux, la chambre devient le décors d'une multitude de tableaux humains qui font se croiser plusieurs courant tels que le romantisme, le réalisme, maniérisme ou encore le préraphaélisme, le tout constituant une sorte de mise en abime, de l'art dans l'art, avec cette chambre romaine où se confrontent plusieurs styles italiens allant de la renaissance à nos jours. Cet effet est renforcé par un contraste anachronique flagrant lorsqu'on introduit à l'image des éléments technologiques actuels comme les téléphonnes ou l'ordinateur portable qui détonnent vraiment avec ce coté 'art ancien' que nous expose la chambre. Les intrusions se font aussi sur un autre plan métaphorique avec les quelques interventions de Max, le gardien de nuit de l'hotel, faisant office ici d'elements perturbateur perçu comme un 'corps étranger' dans la bulle qui entoure les deux femmes. Le personnage masculin fait ici figure du 'macho', apportant avec lui sont lot de vices et de désirs, dévoilant ainsi certains aspects de la personnalité des deux protagonistes féminines. Natasha la russe montre son temperament slave plutot passif, elle subit presque la situation mais ne proteste pas plus que ça. Alba l'espagnole montre elle son caractère et son temperament latin, celui des femmes méditerranéennes qui ne se laissent pas faire, se posent et s'imposent faces aux hommes. Une vision pertinente, bien qu'un peu cliché, qui ne frôle le sexisme qu'à cause des genres des personnage et qui ne serait pas possible sans un travail scenaristique poussé.
Le scénario de Julio Rojas, supervisé par et co-écrit par Medem en personne, est assez pointu et suffisamment travaillé pour que le spectateur se prenne au jeu. Les aspects développés des personnages peuvent parler à une grande majorité du public et pas seulement à des femmes, meme si dans ce cas précis le processus d'identification est évidemment plus facile. Pour éviter de tomber dans les stéréotype ou d'afficher une vision trop 'masculine' de la Femme, on notera que les deux scénariste on fait appel à Katherine Fugate (scénariste, créatrice de la serie Army Wives, élue deux fois de suite à la chaire de la Writers Guild of America et faisant partie des élues en 2008 au titre de Variety's Women of Impact) pour les conseiller et superviser les dialogues. Pour explorer la psyché feminine et leurs tracas quotidien, c'est vrai que ce n'est pas forcément vers un homme qu'on se tournera et cette initiative des scénariste porte ses fruits de façon remarquable. Le film va en effet bien plus loin que de simplement nous décrire une nuit de sexe passionnel entre deux femme, c'est avant tout une rencontre, une confrontation, une mise a nue de deux êtres qui se découvrent et en viennent à se parler presque sans retenue tout en gardant une certaine pudeur. Le paradoxe de la pudeur est supéfiant et criant de réalisme lorsque qu'on voit que ces deux femmes nues avoir parfois du mal à aborder certains sujet et il apparait ainsi qu'il est parfois plus évident de se montrer exterieurement que de livrer ce qu'on a à l'interieur. Le désir et l'amour sont des sujets récurrent dans le film, la sexualité aussi, mais on restera surtout subjugué par la rencontre et le huis clos en soi. Tout ce qui se joue dans cette chambre cette nuit là nous rappelle que parfois notre vie peut basculer au simple détour d'une rencontre...
Si l'aspect psychologique est vraiment travaillé, l'aspect physique n'est pas en reste avec une photographie très soignée. La chambre nous est montré comme une sorte de vieux théâtre, exposant ses tableaux, ses moulures, son aspect témoignant de plusieurs siècles d'histoire où nos protagonistes sont venu apporter une poésie contemporaine absente jusque là. Les lumères et les jeux d'ombres subliment les corps qui se fondent au décor pour apparaitre sous un jour très pictural, soulignant ainsi toute la sensualité présente dans certaines oeuvres d'art qui ont certainement inspiré quelques plans du film. Un travail remarquable qui arrive à nous faire oublier la nudité pour n'y voir que l'art et la beauté des corps semblables à deux Vénus romaines. Pour parfaire cette imprégnation artistique, la bande originale se fait tantot discrete, tantot envoutante, soulignant souvent avec justesse les émotions et les intentions perceptibles. Une bande originale sobre et classieuse qui met en valeur les acteurs juste ce qu'il faut...
Les acteurs sont pour beaucoup dans la réussite du métrage tant ils sont naturels. Le duo Elena Anaya/Natasha Yarovenko est juste fabuleux... La fraicheur de Yarovenko combiné au talent et a la justesse de Anaya donnent à ce couple toute la crédibilité nécessaire pour nous faire basculer complètement dans leur histoire. Elles donnent à leurs personnages la teneur et les émotions qu'il faut pour qu'on perçoive sans difficultés leurs personnalités, leurs forces, leurs fragilités, leurs désirs... Une interpretation juste et humaine qui n'est pas sans rappeler les périodes fastes d'Almodóvar, qui sait parfois dénicher des acteurs fantastique et les diriger comme personne afin de nous offrir un drame humain qui nous prendra aux tripes. Certaines scènes et dialogues ramènent aussi parfois au duo Tom Cruise/Nicole Kidman sous la houlette de Kubrick dans Eyes Wide Shut avec ce coté 'cru' et se réalisme qui arrive à effrayer ou à fasciner. La difficulté pour le duo tient aussi dans la nudité et les scènes de sexe, ces dernières étant souvent assez ratés au cinéma. Là encore le naturel est presque bluffant et les deux actrice n'ont vraiment rien à envier aux références du genre ou aux films ouvertement lesbiens. Le personnage masculin à aussi son importance et là encore on peut saluer la prestation de Enrico Lo Verso qui est juste parfaite...
Le problème majeur du film vient de son coté peu facilement accessible avec un cinéma d'auteur mêlé à un cinéma humaniste et humain de premier ordre. Il est clair que certains spectateur risquent de trouver ça longuet, sans grand interet et peu passionnant. A cela s'ajoute les tabous toujours présent en ce qui concerne l'homosexualité, et pour les spectateurs que cela gêne, c'est une évidence qu'il leur faut peut-être éviter ce film, bien que ce dernier ne fasse pas l'apologie de l'homosexualité et qu'il reste interessant à d'autres niveaux. En dehors de ces deux gros points noirs, on se retrouve avec un film aussi simple que profond qui nous raconte une histoire aussi vieille que le monde, l'histoire d'un désir inexpliquable entre deux personnes qui finissent par lui succomber, ne serait-ce que le temps d'une nuit, le temps d'un film...
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