Qui a vu le bébé de Rosemary ?
Quel film aura aussi bien utilisé le pouvoir de suggestion, manipulant son public au point de lui faire croire qu'il a aperçu ce qui n'existe tout simplement pas ? Pendant des années, nombre de spectateurs auront soutenus mordicus qu'ils ont vu le bébé de Rosemary... alors que celui-ci n'a tout simplement pas été filmé. Ce qui n'est pas le moindre des tours de force accomplis par Roman Polanski, qui signait ici son premier film hollywoodien.
Produite par le roublard William Castle, cette adaptation du roman de Ira Levin prend le temps d'imposer son ambiance, une atmosphère où l'angoisse et l'épouvante se glissent insidieusement dans le quotidien le plus banal, même si pour cela le spectateur devra composer avec quelques longueurs.
Plongée paranoïaque dans la psyché d'une future maman sombrant dans la folie ou atroce manipulation envers une jeune femme trop crédule magnifiquement campée par Mia Farrow ? Maîtrisant parfaitement sa partition, Polanski laisse planer le doute jusqu'à un final déconcertant tant les émotions qu'il procure sont nombreuses et contradictoires, l'horreur cotoyant l'incrédulité et l'absurdité.
Toujours aussi fort et marquant plus de quarante ans après sa création, "Rosemary's baby" est un monument de l'horreur suggestive, dont le leitmotiv fredonné par son héroïne vous hantera bien longtemps après la projection.