Revoir Rosemary's Baby en 2020, cinquante deux ans après sa sortie en salle, donne un aperçu de l'évolution du cinéma de Polanski. Cet aperçu donne le vertige. Traverser un demi-siècle de cinéma avec autant de virtuosité, en réussissant tout ou presque, en s'arrachant si facilement à son segment de films et aux genres dont il a été fait maitre, c'est prodigieux.
J'ai eu l'idée de revoir Rosemary's Baby en regardant Once upon a time in Hollywood. Non pas seulement que le parallèle entre Rosemary et le destin tragique de Sharon Tate soit bouleversant, mais parce que DiCaprio a une réplique élogieuse à propos du film.
Ce film est une oeuvre dans laquelle Polanski y déploie tout son art de l'insaisissable, du double, de l'épaisseur trouble qui fait patauger ses personnages et ses spectateurs dans l'angoisse du point d'interrogation. On ne sait pas si c'est folie ou sorcellerie - on ne le peut pas - Rosemary ne le sait pas plus que nous, et Polanski préfère garder pour lui l'éclairage que l'on craint, il nous laisse dans son inconfortable nuit et il le fait si bien qu'on a plaisir à être mal à l'aise.
Mia Farrow est fascinante, elle produit par son jeu un trou noir d'anxiété, lequel contraste franchement avec sa peau diaphane, ses yeux clairs et son air angélique lentement flétri, finalement glauque. Tout son jeu s'accorde parfaitement au tempo du film et à cette ambiance sardonique qui, de bout en bout, nous glace.
Un sommet de Polanski.