Les films d'horreur telles que nous les connaissons aujourd'hui, ont vu le jour avec le slasher initié en 1978 par John Carpenter (Halloween - La Nuit des masque) et le giallo rendu populaire dans les années 70 par Dario Argento (Suspiria est certainement sont giallo le plus célèbre). Sorti en 1968, Rosemary’s Baby de Roman Polansky est bien un film d’horreur, mais contrairement à la plupart des films de ce genre, celui-ci est très subtil et repose beaucoup plus sur une atmosphère malsaine, que sur du gore ou des créatures terrifiantes.
Rosemary's Baby commence comme une comédie romantique à la Audrey Hepburn des années 50/60. La belle et jeune idéaliste Rosemary (Mia Farrow) et son mari Guy (John Cassavetes) emménagent dans un grand immeuble de Manhattan, le "Bramford". Tout au long du film, le spectateur est mis dans la position de Rosemary, nous voyons et entendons ce qu'elle voit et entend. Peu à peu, le vernis de normalité commence à se fissurer dans l'appartement de Rosemary et le surnaturel parait de plus en plus réel.
C’est le point de vue qu'adopte Roman Polanski sur le scénario, qui rend ce film si effrayant. Rosemary est un film qui profite beaucoup des œuvres antérieures de Roman Polanski et qui va avoir beaucoup d'influence sur son travail futur. Rosemary est vraiment une œuvre centrale et essentielle dans la filmographie du réalisateur franco-polonais. Dans Rosemary, il y a beaucoup d'élément repris de Répulsion (1965), comme la façon dont est filmé le décor du film (un appartement) et l'héroïne du film. L'appartement de Rosemary est filmé comme celui de Carol (Catherine Deneuve) dans Répulsion et sur de nombreux points Rosemary ressemble beaucoup à Carol.
Dans Rosemary, vous pouvez entendre à travers les murs et comme dans le Locataire (1976), des personnes étranges se cachent dans d’autres parties de l'immeuble. Les plus étranges de tous sont Roman et Minnie Castevet (Sidney Blackmer et Ruth Gordon), un couple de personnes âgées beaucoup trop cordiaux pour être honnêtes et très envahissants. Roman est à la retraite et semble avoir connu mille vies antérieures. Sa femme Minnie est très extravagante, elle porte des tonnes de maquillage et de bijoux de prêteur sur gages. De plus, elle fait l’éloge des remèdes à base de plantes et en particulier de ce qu’on appelle la racine de tannis. Quant à l’amie de Minnie, Laura-Louise (Patsy Kelly), elle porte des lunettes épaisses qui font ressortir ses yeux et le ton de sa voix est étrangement grave.
Le casting est génial, avec une collection d'acteurs du Hollywood des années 30/40, qui ont bien vieilli au moment où sort le film et dont le jeu théâtral convient parfaitement avec ce que veut mettre en place Roman Polanski. J’ai particulièrement aimé Ruth Gordon avec son comportement et ses manières délicieusement excentriques. Et puis bien sûr Rosemary ne serait pas Rosemary sans la fragilité et l'extrême beauté de Mia Farrow. John Cassavetes hérite du rôle ingrat ici, celui du mari egocentrique et fort peu sympathique sur le papier, mais il s'en sort extrêmement bien et arrive même à le rendre sympathique. Il joue avec son image d'acteur new yorkais de la classe moyenne américaine et adepte de la "méthode".
Rosemary’s Baby est l’un des plus grands thrillers horrifique et atmosphérique de tous les temps. Compte tenu du sujet sous-jacent, c'est difficile d'imaginer comment ce film a été reçu par les spectateurs en 1968. La grande force du film, c'est son atmosphère et son scénario. C'est à travers la mise en scène et au moyen des dialogues, que Roman Polanski suggère l'horreur, sans jamais le montrer. Ce n’est que vers la fin que nous découvrons, comme Rosemary, l'horrible vérité.
Rosemary est Mia Farrow et Mia Farrow est Rosemary. Son interprétation est basée sur les perceptions, les images et les peurs de Rosemary. On pourrait penser que Rosemary souffre de délires ou que tout ce qu'elle subit est bien réel. Le scénario ne ferme aucune porte et laisse libre cours à l'interprétation. Quelle que soit votre interprétation, une chose est sûr ... Rosemary's Baby est un grand film. Même plus de quarante ans après, c'est encore et toujours un modèle du genre et ça, on le doit surtout à son scénariste et réalisateur, Roman Polanski.