Que se cache derrière un titre aussi mystérieux ? Vous aussi ça vous fait tiquer j'imagine, Evy qui aime un film qui n'est pas pervers, et puis quoi encore, le mec aurait aussi des goûts musicaux géniaux ? Ah, ça passe crème dans les dîners mondains, de dire qu'on écoute Alizée à fond dans sa voiture. Grande Evy. Gloire à lui et à sa culture qui transcende les époques. Bon de toute manière je ne vais pas dans es dîners mondains mais c'est dans l'absolu. Après j'avoue, si Alizée était cul-de-jatte ses disques je m'en sers comme papier toilette on ne va pas se mentir.
Rosemary's Baby, je me disais : Roman Polanski, le mec qui drogue les jeunes filles pour les violer. C'est plus fort que moi. Je me suis dit ça l'autre jour en regardant Le Pianiste. Comment un mec avec autant de sensibilité, autant d'explosions de vie et de ressentis en lui peut commettre un tel acte ? C'est complètement antinomique. Là tout de suite je ne me rappelle plus de la définition de ce mot mais ça me paraît tomber sous le sens. Je suis trop con car au lieu de penser à sa vaste et fabuleuse filmographie, je pense à ça. Il faut toujours séparer les hobbies et le travail quand on s'attaque à un cinéaste, écrivain, ou à Yann Moix.
Rosemary's Baby c'est quoi ? C'est le trip complètement démentiel d'une future maman qui croit que le monde qui l'entoure fait partie d'une espèce de gigantesque secte. Elle est possédée par des fulgurances morbides, un peu comme une Adjani dans Je ne sais plus quoi. Oui c'est la première critique où on ne va pas vérifier sur google pour la critique. Ce qui est incroyable avec ce film, c'est la capacité de Polanski (qui n'est donc pas qu'un pharmacien fournissant du ghb) à ne faire qu'un entre l'audience qui regarde son film et l'héroïne, interprétée très brillamment par la toute choupie Mia Farrow. On ne sait jamais sur quel pied danser, l'illusion est torride, parfois flétrie tellement les ficelles semblent grosses, on ne devine jamais si elle est folle ou si elle est vraiment victime d'une conspiration. Il y a du Lynch dans la manière d'aborder la folie passive, la lenteur des bizarreries ou les personnages énigmatiques entre la vie et la mort comme la vieille pie. Ou alors il y a du Polanski chez Lynch ? Je ne sais pas moi je découvre à peine le cinéma, là je vais me mater un petit Turf avant d'aller dormir et c'est marre.
Le dossier a plus de quarante ans et il n'a pas pris une seule petite ride. L'atmosphère est étouffante, impalpable, complètement asphyxiante, on se sent oppressé de plus en plus, une sorte de Shining à la sauce Poe où tous les délires se réunissent dans une fin tragique et sans fuite, où le bustier est bien trop serré pour le contenir, il faut le faire exploser. Personne ne sait si ce bébé existe. Si cette mascarade est réelle. Et si le réalisateur ne le savait pas non plus ?...
Rosemary's Baby est l'écho parfait de la fracture du couple et de ses idéaux post-mariage à l'époque. C'est le reflet d'une confiance aveugle ou, au contraire, trop éclairée. C'est la volonté de ne pas déconsidérer la vie que l'on donne et que l'on créé, de la préserver, d'offrir un cadre idéal et sain à notre progéniture. Une profonde remise en question de notre jeunesse défleurie et désenchantée qui ne jure que par les anges de la télé-réalité. Et faire une critique de nrj12 quarante ans auparavant, quand ça n'existait pas, ça c'est beau putain.
Alors oui, ce film ne comporte finalement pas de scènes érotiques ni de bombasses à se mettre sous la dent. Une scène peut-être, avec une poitrine apparente, mais rien de plus. Est-ce si grave quand le film est un tel monument de terreur, de sa bande-son qui distille le malaise petit à petit jusqu'au moindre mouvement flasque et morbide de caméra ? Ca n'a aucune importance. Durant ce film, je me suis senti homosexuel, bisexuel, asexuel. J'ai oublié l'espace de quelques secondes la beauté de la femme pour me réfugier dans la beauté d'une mise en scène de génie, car c'est ce qu'est Polanski. Alors oui, quand Deneuve dans Belle de jour joue une prostituée, c'est 10 coeur, mais Rosemary's Baby est la preuve qu'il peut exister un cinéma sans sexe. Un cinéma intemporel. Le cinéma.
Ps : John Cassavetes est beau