Desplechin est décidément l'un des meilleurs réalisateurs qui soit. Car si d'habitude j'apprécie surtout lorsqu'il fait tourner un Amalric totalement névrosé je dois dire que j'ai été surpris par ce film. En fait le seul acteur que l'on retrouve de ses autres films, c'est Roubaix. Et il présente un aspect assez différent. Parce qu'en regardant des trucs comme Conte de Noël on pourrait penser que c'est cossu Roubaix... Là il montre une ville à la croisée des chemins, entre la France et la Belgique, qui est sur le point d'imploser...
Le seul élément qui empêche cette implosion c'est le commissaire Daoud (Roschdy Zem dans son meilleur (et seul bon) rôle).
Je crois que c'est sans doute le personnage le plus captivant que j'ai vu au cinéma cette année. Disons qu'il a tout, il est charismatique, calme, mais surtout il apaise le monde. Il ne s'énerve jamais, il sait tout de suite qui a tué, qui a fait quoi, ce qui lui donne une certaine hauteur par rapport au merdier ambiant.
Parce que Roubaix, c'est le bordel ! Et lui, il est là, il connaît tout le monde, il règle tous les problèmes. La lumière du titre, c'est lui.
Et donc, alors qu'on pourrait penser qu'un personne parfait n'aurait aucun intérêt, on se délecte de ses apparitions, de ses confrontations avec les suspects... Disons que ça donne à ce film enfermé dans des espaces clos, dans des décors très réduits, ou se passant de nuit, un côté quasiment solaire. Vraiment j'ai rarement vu un personnage et un acteur rayonner autant.
C'est clairement une brillante réussite de l'écriture du film.
Et puis il y a tout le reste, les acteurs amateurs (dont je n'aurais jamais cru qu'ils l'étaient avant de le lire) qui sont à l'écran plus vrai que nature... mais aussi le duo Seydoux-Forestier qui est excellent. J'avais un peu peur de voir Seydoux grande bourgeoise en prolo, mais elle s'en sort bien, parce qu'on sent qu'elle a un côté malsain dominateur... quant à Forestier, elle a l'air totalement perdue avec ses grands yeux, ses rides et ses cernes, on y croit.
Mais outre les actrices, ce qui est intéressant là, c'est leur relation, leur personnalité, leur manière d'essayer de nier, de s'en sortir, comment leur discours sur ce qui s'est passé va évoluer... et surtout de voir l'emprise que peut avoir Seydoux sur Forestier.
Puis, je dois dire que Antoine Reinartz n'est pas en reste. Son personnage sert à prendre de la hauteur sur cette ville, à avoir un regard extérieur afin que le spectateur puisse s'identifier et avoir un point d'ancrage dans le récit.
Si son rôle aurait peut-être mérité d'être plus développé, il remplit parfaitement sa fonction... et tous les quatre, ils arrivent à se renvoyer vraiment bien la balle pour équilibrer le récit et multiplier les confrontations, relançant sans arrêt l'intérêt pour le film. Car ici l'intérêt n'est pas dans la résolution de l'enquête, mais bel et bien dans les personnages et dans les interactions entre eux. Personnages qu'il est donc un véritable régal de voir évoluer.
Bref, en sortant de son milieu bourgeois et artistique, Desplechin a réussi à se renouveler tout en proposant une nouvelle vision de Roubaix, de nouveaux personnages fascinants, des dialogues exquis et puis surtout une lumière, le commissaire Daoud !