Ce film décrit la guerre de partisans entre les troupes blanches, les bolchéviques, et des Hongrois qui prennent parti pour l'un ou l'autre camp. C'est un film très long ou très court à résumer, selon la manière dont on se place. Aucun des personnages que l'on suit n'a de nom, on les reconnaît à leurs visages marqués, et l'on passe d'un groupe à l'autre au gré de plans-séquences dans un noir et blanc très marqué comme seuls savent en faire les hongrois. Je vais résumer très simplement : des tas de groupes armés font des prisonniers qu'ils exécutent sommairement. Au milieu, des prisonniers en cavale, un groupe d'infirmières qui ne fait pas de discrimination entre les blessés et un groupe de partisans hongrois.
Les Russes blancs sont en costume noir, et avancent en formation comme des machines. Pour les Bolchéviques c'est plus compliqué. Ici, ce sont eux qui dégustent, et bien souvent ils sont torse nus, à essayer de fuir comme ils peuvent. Ceux qui ont un uniforme plus clair sont plus durs à identifier. Les groupes fonctionnent beaucoup par escadrons de cavaliers, même s'il y a quelques avions blancs ou camions. La rivière, qu'il s'agisse de la Volga ou de ses affluents bordés de beaux paysages de taïga, charrie les cadavres indifféremment.
Au milieu de cette violence masculine incessante, dont les retournements de situation ne cherchent pas à éviter la monotonie, les femmes sont des proies, même celles qui soignent.
Les plans-séquences sont magnifiquement agencés et bâtissent une narration exigeante : on voit un individu brusquement faire le mort au milieu de cadavres, pour comprendre après un lent mouvement de panotage que des soldats ennemis remontent la rivière. Cette technique a dû influencer Bela Tarr. Plans sublimes au milieu d'une forêt de bouleaux où sont cachés des soldats russes, tandis que les infirmières doivent danser au son d'un orchestre, avec un dénouement pudique qui semble indiquer qu'elles se font violer, mais je ne suis pas sûr.
Au niveau contenu, c'est très dur. Les exécutions se succèdent, le raffinement dans la cruauté étant le seul élément qui rompe la monotonie. C'est l'enfer de Dante. L'un des derniers plans, où les partisans hongrois descendent calmement, en ligne, vers le plaine où les attendent des Russes en net surnombre, est magnifique. Le minutage des chorégraphies force le respect, car ici la violence est moins réaliste qu'esthétisée pour prendre toute sa force.
Un film exigeant et dur, filmé avec une maestria qui force le respect.
Vu à la Cinémathèque, dans une salle Franju bondée.