Avant de lire cette critique, sachez que j’ai vu ce film d’animation pour la première fois à l’heure où je vous écris. Il n’y a donc aucune nostalgie qui a été prise en compte. Je n’ai effectué aucune recherche sur ce que je dis, c’est tout bonnement la façon dont j’ai vu l’oeuvre.
"Rox et Rouky" : une amitié sauvage et bien plus.
On nous vend "Rox et Rouky" comme une grande histoire d’amitié entre un renardeau et un chiot, mais est-ce vraiment ce qui nous est offert ? Pas exactement. Sous ses airs innocents de conte animalier, le film cache une réflexion bien plus profonde et tranchante sur la nature, la société, et même l’identité.
La façade de l’enfance : une amitié impossible
Pour les plus jeunes, "Rox et Rouky" semble être un récit classique d’amitié improbable entre deux êtres issus de milieux opposés. Rox, le renardeau sauvage, et Rouky, le chien de chasse, partagent des moments d’insouciance et de jeu. Mais lorsque "l’autorité supérieure" intervient — ici le chasseur et la nature même de leurs espèces respectives —, cette amitié est jugée contre-nature. On comprend alors que leur relation est condamnée dès le départ. Un message simple pour les enfants : tout n’est pas toujours possible dans la vie, et parfois, il faut écouter les règles établies.
La lecture adulte : une fable sur l’identité et les normes sociales
Pour un public plus averti, le film offre une tout autre interprétation. Rox pourrait être vu comme un symbole de l’individu qui lutte pour affirmer qui il est réellement, en dépit des normes imposées par la société. Homosexuel, marginal, ou simplement "différent", il est celui qu’on ne peut renier. Et pourtant, à l’heure de son "coming out" émotionnel, il se heurte à une réalité douloureuse : Rouky, hétéro et bien ancré dans le rôle qu’on lui a assigné, ne peut que le friend-zoner et suivre la voie tracée pour lui par son maître-chasseur.
Même dans la forêt, les tensions sociales se reflètent. Selon le blaireau, les étrangers n’ont pas leur place. Les nouveaux venus dérangent, cassent l’ordre établi, ce qui pourrait être interprété comme une critique des débats sur l’immigration à l’époque. Disney, à ses débuts, semblait plus conservateur qu’on ne le pense, bien avant son virage progressiste actuel.
Des messages ambigus, porteurs de leçons de vie
"Rox et Rouky" brille par sa dualité : un film à deux tranchants qui fait sa complexité. D’un côté, l’amitié des deux protagonistes enfantins est belle, pure, mais aussi éphémère (ne dure que quelques minutes). De l’autre, la nature profonde des choses refait surface : Rouky est un chien de chasse, et Rox un animal sauvage qui ne peut pas prétendre à une vie domestique. Cette complexité culmine dans la scène finale, où après que Rox sauve Rouky et son maître du redoutable ours, Rouky demande à son maître de l’épargner. Ce n’est pas un signe d’amitié, mais un simple retour des faits : on épargne celui qui nous a épargné.
Conclusion : cœur brisé et leçons amères
"Rox et Rouky" est tout sauf un simple film d’animation. C’est un conte cruel et réaliste sur l’impossibilité de briser certaines chaînes. Les promesses non tenues, la confiance trahie, les cœurs brisés et l’acceptation de soi sont autant de thèmes qui résonnent longtemps après le générique.
Pour les enfants, c’est une belle leçon sur l’amitié. Pour les adultes, une réflexion poignante sur les normes, les identités, et les relations humaines. Un film pour tous les âges, mais certainement pas pour toutes les sensibilités.
Cinephilexement vôtre.