Histoire véridique de Johann Struensee, médecin et ami du roi fou Christian VII de Danemark, qui deviendra l’amant de la reine Caroline Mathilde et usera de son influence peu à peu grandissante pour faire passer des réformes modernes suivant les principes des Lumières.
Ce film danois se révèle être un somptueux film en costumes, mêlant à la fois un souffle historique fascinant et le drame inhérent aux histoires d’amour interdites.
Pétris des idées de Rousseau et Voltaire, la reine et Struensee vont user de leur position pour influencer le roi et virer « la vieille garde » composée de nobles et de religieux. L’ascension de Struensee est captivante et il est étonnant de voir que son action, si primordiale, ne s’est déroulée en réalité que sur 4 années, entre 1768 et 1772 (20 ans avant la révolution française tout de même!). Ce qui est tout aussi intéressant c’est de constater que ce personnage, bien que réel utopiste adepte des philosophes français, trouve un certain plaisir despotique à s’emparer peu à peu du pouvoir royal. On le voit négliger son statut de camarade du roi pour celui d’homme d’Etat, se laissant aller à quelques colères autoritaires. En tant qu’amant secret de la reine, les ficelles politiques sont plus difficiles à tirer. Le pouvoir, au lieu d’être complètement désintéressé et au service du bien-être du peuple, va bientôt également servir les intérêts personnels du couple. Les histoires de cœurs et la politique ne font pas bon ménage.
Bien sûr ce nouveau statut ne plaît pas à la cour conservatrice, complots et rumeurs allant bon train…
J’aurais aimé cependant, et ce, comme l’a dit une critique du site, voir les impacts de ces nombreuses réformes sur le peuple lui-même. On peut voir les impacts politiques sur la vie à la cour mais pas beaucoup les effets sur la vie de la population danoise, ce qui est en soi un peu dommage étant donné que le film parle de réformes sociales majeures. Pratiquement tout le film se déroule dans le château hormis quelques sorties en carrosse et des balades à cheval magnifiques.
Quant au drame amoureux il est évidemment bouleversant et se mêle bien, comme je l’ai dit, à toute cette intrigue politique, jusqu’à ce que finalement ils ne fassent plus qu’un. Si l'on ne voit pas les effets de la politique sur le peuple, ce que je regrettais plus haut, c'est sans doute parce que "A royal affair" est avant tout, comme son nom l'indique, un triangle amoureux à la cour. On est fort heureusement loin des chichis et du manichéisme hollywoodiens rassurez-vous. Cette liaison est d'autant plus belle qu'elle s'épanouit d'abord sur le plan intellectuel: Caroline, privée de ses livres préférés car censurés au Danemark, emprunte Rousseau à Struensee, et ensemble ils discutent de cette liberté à laquelle ils aspirent, rêvant de la voir devenir réalité. Et puis il y a la scène du bal, moment classique dans ce genre de film, mais ici tellement magique...
Mads Mikkelsen est un Struensee magistral et fort séduisant. Je ne l’ai jamais trouvé beau auparavant mais il a un magnétisme renversant dans ce film, avec ses cheveux long et ses pommettes saillantes… La très belle et prometteuse Alicia Vikander incarne magnifiquement la jeune reine humiliée et délaissée par son mari, qui va trouver un espoir de destinée meilleure en la personne de Struensee. C’est d’ailleurs elle qui raconte l’histoire. C'est sans doute le troisième personnage de ce triangle qui a le rôle le plus impressionnant: tantôt fou de colère, tantôt léthargique, parfois perdu et souvent enfantin, Mikkel Boe Foslgaard est un roi malade extraordinaire. Il a d'ailleurs été primé au festival de Berlin cette année.
Même si la réalisation est assez académique, la photographie et la reconstitution historique sont superbes, ainsi que l'écriture. Malgré le déroulement rapide des événements, quelques longueurs se font sentir, mais elles n’entachent pas réellement l’engouement que j’ai eu pour un des plus beaux films en costumes de ces dernières années. Une belle surprise pour cette fin d’année, racontant une page importante de l’Histoire du Danemark, qui finalement n’a pas toujours été le pays ouvert et développé que l’on connaît.