Je continue à percevoir dans le regard de cinéaste de Benning (surtout dans ses films des années 2000) la sensibilité du véritable dernier des Mohicans - ou tout au moins celle du premier à avoir pris une caméra pour filmer son territoire comme une terre volée, pour être ensuite soumise aux éternelles mutations de ses colonisateurs.
L'Homme Blanc s'est fabriqué les propres Cerbères de ses terres conquises. Ils mesurent de 50 mètres à 2 kilomètres, fondent comme une flèche affutée sur sa proie, sont fabriqués de voiles et de ferraille et ne communiquent jamais entre eux, même lorsqu'ils se croisent. Ses interminables serpents multi-colores sillonnent plaines, vallées, forêts et petites bourgades pour veiller à ce qu'aucune strate calcaire, aucun lopin de steppe ou aucun cours d'eau n'échappe à la vigilance du Maître invisible des lieux. RR ressemble ainsi à une ronde vigilante où Benning, qui n'hésite pourtant pas à filmer parfois de très près les wagons jusqu'à pouvoir en deviner les graffitis gribouillés dessus, semble prendre un risque inouï : celui d'être découvert en flagrant délit d'enregistrement du réel interdit.
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