Critique pour le site Le Bleu du Miroir
La noirceur exaltée dans Ruben Brandt, the collector offre un véritable jeu de piste jouissif à travers les arts et une intrigue aux accents de polar. Premier long-métrage animé de l’artiste protéiforme Milorad Krstic, le film réussit avec brio à conter l’histoire de la peinture « sans que cela ne soit ennuyant », souhait cher au réalisateur, grâce à cette enquête rythmée où le burlesque se savoure avec délectation.
Ruben Brandt, psychothérapeute spécialisé dans l’art thérapie est contraint de voler des chefs-d’œuvre picturaux de ces deux derniers siècles pour se soigner lui-même. Un détective se lance alors sur les traces de celui qu’on surnomme désormais « Le Collectionneur ».
Dans cette course poursuite artistique, Milorad Krstic met en place un labyrinthe référentiel explorant les arts du XIXe et XXe siècles, chaque scène devenant un tableau elle-même pour une mise en abime dans laquelle l’œil ne cesse de chercher les indices, les détails cachés. De Chirico à Warhol, en passant par Manet et Hopper ou encore Duchamp et Picabia pour ne citer qu’eux, la traque nous ballade de manière anachronique au gré des différents mouvements artistiques. Par un subtil travail d’appropriation, Milorad Krstic rend hommage à tous ces créateurs de génie, dont la citation la plus marquée demeure celle de Picasso qui imprègne le graphisme du film.
Le cinéma n’est pas en reste, de Hitchcock en glaçon à la fameuse scène de danse de Pulp fiction de Tarantino, là encore les clin d’œil sont nombreux. Les affiches sont également réinterprétées, offrant un voyage exalté et halluciné dans les arts. Un jeu visuel accompagné par une bande son séduisante.
Mais nul besoin d’être une tête d’ampoule de l’histoire de l’art pour apprécier ce long animé car le réalisateur a pris soin d’élaborer une intrigue captivante, tout comme ses personnages. Si la peinture demeure la toile de fond, un second niveau s’immisce dans la narration avec cette enquête policière dynamique où gravitent des personnages à la psychologie torturée ou absurde, pour une densité scénaristique haletante. De musée en musée, on tente de trouver comment le prochain tableau sera dérobé, quels liens lient les divers protagonistes, quel désir se cache derrière ce trouble. Et derrière cette joyeuse troupe loufoque, le réalisateur ne manque pas de critiquer non sans humour le monde de l’art par le prisme du public donnant lieu à des scènes rocambolesques.
Mais Ruben Brandt, the collector reste un hommage à la création, un thriller artistico-psychologique réussi en tous points de vue, qui amuse comme il séduit.