Si l'hyper-violence de "Rue barbare", inspiré d'un roman noir de David Goodis, a pu nous abuser à la sortie du film en1984, à le revoir bien des années après, il n'y a rien ou pas grand'chose à sauver de l'exercice de style de Gilles Béhat. D'autant que cette violence et la noirceur contenues dans son film sont devenues monnaie courante, depuis, dans les plus ternes et banals polars des années 90. Le film de Béhat a mal vieilli parce qu'il est maladroit, parce qu'il est creux tout simplement.
En concentrant dans un bout de la ville -la rue barbare en somme- tout ce que la population urbaine compte de dégénérés et de paumés, de méchanceté et de brutalité (sans oublier psychopathes, flics ripoux, prostituées...tout y passe), Béhat crée un microcosme glauque et malsain, intentionnellement et trop visiblement artificiel. Tout sonne faux ici, les dialogues comme les personnages, survolés au point d'être insignifiants.
Jadis complice des méfaits du féroce Hagen, Daniel Chetman n'a d'autre alternative que d'affronter son ancien ami et quitter la rue barbare pour s'affranchir du Mal, pour rompre définitivement avec son passé de voyou. Bernard Giraudeau, dans un contre-emploi, compose sur le mode de la séduction virile et de la sensualité un homme usé et désenchanté, un personnage qui aurait pu être intéressant si la mise en scène n'avait pas cédé à l'ostentation et à la frime, aux mots d'auteur complaisants et à la caricature.