Técol, ils sont bonnards ces Bolzes!
Dudule, Boubi Blues, Pain Long, Baleulé, Crocus, la Bobino, Pippo, le Shérif, les Frères Rigolet, Biscuit, ... Les surnoms des habitants présents et passés de la Basse (les quartiers populaires se lovant autour de la Tsaane - la Sarine) à Fribourg dessinent un monde d'un autre temps.
Un monde plus simple, plus petit, fait aussi de misère certes, mais où l'on se serre les coudes sous le regard somme toute bienveillant du Rababou, le géant qui est brûlé sur la place chaque année à Carnaval, emportant ainsi tous les malheurs de l'année écoulée.
Un monde uni, parcouru tel un fil rouge par le vélomoteur de Hubert Audriaz, cheveux au vent: le magicien de la Basse qui en assure en quelque sorte la mémoire collective.
C'est un monde qui est en train de disparaître...
Jean-Théo Aeby pensait faire un documentaire sur Hubert Audriaz. Finalement, c'est par toute la Basse qu'il s'est retrouvé happé: un village dans la ville, un petit monde doncamillesque réfugié dans le giron du grand.
Un magnifique portrait de ces gens "simples et vrais" que sont les Bolzes, mais également un hommage à des quartiers, l'Auge et la Neuveville, qui ont profondément changé ces dernières dix années.
Si, lorsque j'ai emménagé à Fribourg, les gens de la Haute me regardaient avec de gros yeux lorsque je leur disais où j'habitais, de nos jours il est de bon ton pour les petits-bourgeois néo-beaufs de se dégotter des appartements à reconstruire en basse-ville, et les loyers ont explosé.
Quant aux Bolzes, si quelques irreductibles tiennent encore et toujours face à l'envahisseur, pour la plupart ils ont été éparpillés dans divers homes et locatifs de la périphérie de Fribourg, tuant ainsi petit à petit ce monde fermé sur lui-même mais au sourire si ouvert.
Mais rien de tout cela, si ce n'est en filigrane, dans le documentaire de Jean-Théo Aeby: pas de mélancolie, juste des sourires, des rires, ce patois local si savoureux (c'est sous-titré, ne craignez rien!), un acceng à couper au couteau, et énormément d'amour pour cette ville dont le plus grand secret est son charme. Que du bonheur!
Alors si vous passez prochainement par Fribourg, empressez-vous d'aller visiter la Bolzie tant qu'il en reste quelque-chose! Vous croiserez à coup sûr l'un ou l'autre des personnages de ce film.
Tcho, técol!
PS: Une dernière curiosité à propos de ce documentaire magnifique: lors de sa sortie en 2009, il a engrangé plus de 10'000 entrées à Fribourg en 3 mois, ce qui sur une ville de 35'000 habitants rend (toutes proportions gardées) ce film bien plus populaire qu'Avatar. Écoutez à ce sujet la transmission de la Radio Suisse Romande du 2 janvier 2010, en annexe.
Seul son style et son montage un peu "bruts" privent "Ruelle des Bolzes" d'une 9ème étoile. Tenez toutefois compte que pour tout budget ce documentaire s'est contenté de 60'000 francs suisses, mis de la poche de son réalisateur! Un beau travail.