C'est avec un soin pratiquement mathématique que James Benning réalise Ruhr à la fin des années 2000, nous proposant sept plans fixes étalés sur près de deux heures. L'ensemble, chapitré en deux parties de durée égale, permet d'une part d'exercer notre regard sur six plans tournés dans la région urbaine de la Ruhr : un tunnel routier, une aciérie, une zone aérienne, une mosquée en activité, un mur dressé au milieu d'un terrain vague et enfin la rue d'un quartier résidentiel. Les images, aux mouvements constants mais souvent imperceptibles, bouleversent littéralement notre condition de spectateur pour nous amener vers une forme inédite de contemplation. Le second chapitre de Ruhr, constitué du septième et dernier plan, nous montre une tour tuméfiée d'une fumée se confondant avec la masse nuageuse d'un ciel voilé : une heure durant notre regard est captivé, observant l'évolution des images et de la bande son. Hypnotique.
James Benning travaille sa réalisation sur deux aspects primordiaux : la durée et la géométrie des formes présentées... Quelque chose de très concret se dégage de son Oeuvre, une évidence visuelle très éloignée d'un Cinéma fondé davantage sur la manipulation scénaristique. Ruhr n'impose rien, laissant le Temps apprivoiser chaque cinéphile, au gré de chacune de ses micro-variations. Formidable concert de photographies en mouvances le film de James Benning ausculte la zone urbaine d'une Allemagne désaffectée, assumant sa sécheresse cinématographique tout du long. Un film fascinant !