Runaway Train a été produit par Cannon Group., la société des cousins Golan et Globus, qui souhaitaient jouer dans la cours des grands dans les années 80 et dont on se souvient surtout pour les films d'actions à petits budgets qui ont accompagné toute une génération de cinéphiles en herbe.
Je me souviens de ces deux séances pour le prix d’une, ou on pouvait s’enfiler Missing in Action et American Ninja à la suite dans les salles du boulevard Sebastopol à Paris.
En 1985, Cannon est en pleine expansion, et souhaite diversifier le panel de ses productions en rehaussant notamment le niveau général de son catalogue. Débarquent donc au côté de Michael Dudikoff et de Chuck Norris, Altman, Godard et Andrei Konchalovsky.
Ce dernier, grand frère de Nikita Mikhalkov, qui s’essaya à la musique avant de se tourner définitivement vers le cinéma, fut célébré par ses pairs, (ami de Tarkovsky il co-scénarise Andrei Rublev) et châtié par la censure dans son pays, avant d’obtenir une renommée internationale grâce à un prix spécial du Jury à Cannes en 1979 décerné pour son film Sibériade. Au début des années 80, il foule donc le pavé d’Hollywood, et se trouve recommandé par Coppola (après avoir tourné Maria’s Lovers) pour adapter le scénario qu’un certain Akira Kurosawa a écrit 20 ans plus tôt.
Au milieu des années 60, Kurosawa a en effet co-signé le script original de Boso Kikansha, tiré d’un fait divers, en compagnie d'Hideo Oguni et de Ryuzo Kikushima, qu’il devait coproduire avec une société américaine et réaliser avec Toshiro Mifune dans le rôle titre mais le projet n’aboutira jamais.
Cependant, plus grand chose ne subsistera du matériau d’origine après les multiples versions du scénario revu par Djordeje Milicevic, Paul Zindel et surtout Ed Bunker.
Ex-taulard (un total de 18 ans de prison pour divers braquages), qui a trouvé la rédemption par l’écriture (aucune bête aussi féroce est à lire absolument*). Bunker a su injecter au film l’authenticité nécessaire au climat lourd et oppressant de la prison et aux personnages de détenus, en particulier le personnage de Manny, un des plus beau rôle de Jon Voigt, montagne de colère, enragée par des années de cloisonnement, pur produit du système carcéral, adulé par les prisonniers pour sa force de caractère dans un univers entièrement régi par la violence.
Son humanité refait doucement surface au fil du récit, notamment lors d’un très beau monologue face à Eric Roberts, ou lors d’une scène émotionnellement très efficace ou Rebecca de Mornay le traite d’animal et qu’il réplique No, worse: Human. Human!".
La scène finale qui voit Manny braver la mort les bras en croix au sommet de la loco de tête n’a rien perdu de sa force avec les années, magnifiée par la musique au tempo lent de Vivaldi. C’est un final d’une profonde tristesse de toute beauté.
Malgré certaines faiblesses, notamment toutes les séquences tournées dans le centre opérationnel, je l’ai revu avec beaucoup de plaisir et la copie du DVD MGM est tout à fait correcte.
* Le film se termine d’ailleurs par une citation extraite du Richard III de Shakespeare “No beast so fierce but knows some touch of pity. But I know none, and therefore i am no beast.” (La bête la plus féroce connait la pitié. Je ne la connais pas, et ne suis donc pas une bête.). Le premier roman de Bunker s’intitule No beast so fierce. Il incarne également le personnage de Jonah dans le film.
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