Pourquoi continuer à faire des films d'action alors qu'il y a Running Out of Time ?

Remballez tous vos réalisateurs de films d'action ricains de pacotille parce qu'avec Running Out of Time, To nous signe littéralement le film le plus jouissif de sa carrière, je suis d'ailleurs surpris de sa position ridicule dans le top SC.

L'intrigue est simple, atteint d'une maladie incurable Cheung n'a plus que 3 jours à vivre et qu'est-ce qu'il décide de faire ? Ridiculiser la police hongkongaise en les menant en bateau du début à la fin, rien que ça ! Mais là où To est un génie, c'est qu'il sait pertinemment ce qu'il fait, il n'a pas la prétention de réinventer quoi que ce soit, il a conscience de la porté réelle de son œuvre alors il n'hésitera pas à être désinvolte, à tourner en dérision certaines séquences avec une touche d'humour parfaitement dosée sans jamais désamorcer la tension, certes, légère mais continuellement présente dans l'œuvre, cet humour a plusieurs formes mais je vais souligner la plus importante, à savoir celle traitée entre le flic Ho et l'homme au destin fatal Cheung qui vient accroitre toute la dimension super classe des personnages, là où la plupart des films US réussissent à rendre leurs personnages totalement ridicules à cause des touches d'humour mal placées, To lui augmente leur charisme à des niveaux pas possibles, pour comprendre ce que j'essaye de dire je vais citer une scène, à un moment, alors que le flic est au volant, Cheung va lui lancer un défi, s'il réussit à atteindre le commissariat de police alors il gagne et l'emporte en prison sauf que bien évidemment ça ne se passera pas aussi facilement puisque le policier a le flingue sur sa tempe, donc il a intérêt de rouler à toute allure (il s'arrête, il est mort, en effet s'il conduit vite et que Cheung le tue alors il sera mort à son tour), mais même en roulant à toute vitesse, Cheung décidera, pour pimenter cette course effrénée, de tirer sur des cibles (des objets) en espérant de tuer personne. Voila, maintenant que vous avez compris l'ambiance et le petit jeu entre le policier Ho et le malfrat Cheung, eh bien dites-vous que cette scène se déroulera non pas une fois ! Non pas deux fois ! Mais littéralement trois fois !
To ne cherche pas à créer une quelconque tragédie, dès le début il annonce que son personnage va crever, et au lieu de créer de la pitié à l'égard du personnage, il présente Cheung comme un conquérant ! Celui qui se hisse au dessus du plus grand building et observant tel un empereur tout Hong Kong avec une musique SPLENDIDE écoutez ça sérieusement :

https://www.youtube.com/watch?v=hBifeUH0btE

Etant donné qu'il n'a pas beaucoup de temps alors il faut agir vite ! Et ceci To le fait vraiment ressentir dans son film, tout se déroule à une vitesse ahurissante on enchaine de scènes en scènes, tensions en tensions sans faire aucune erreur scénaristique ou autre. Par ailleurs notons un point très important : la dimension réaliste du métrage, car même si les aptitudes de Cheung à avoir une solution à tout paraissent un tantinet exagérées, il n'empêche que lorsqu'il y a un accident de voiture et bien vous le ressentez et les personnages en sont vraiment impactés au point où To les filme pendant 2 minutes en train de marcher comme des personnes soûles, se ramassant le sol à chaque seconde.
Cheung a envie de mourir en beauté, et c'est peu de le dire, car il est temps que j'énonce ce qui m'a le plus stupéfait dans le métrage, c'est cette liaison fugace entre Cheung et une fille dans le bus, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi magnifique. Alors que Cheung est en pleine fuite dans un bus, les flics décident d'arrêter le chauffeur, à ce moment vous avez surement la séquence la plus sublime du film, assis avec ses lunettes noires, à sa droite se tient une magnifique femme au cheveux noire jouée par YoYo Mung. Cheung, ce génie immense, vient s'asseoir auprès d'elle pour duper les flics, d'abord gênée elle ne comprend pas ce qu'il fait puis elle remarque qu'il a un pistolet dans sa veste, comprenant la situation elle fait mine de ne pas s'y intéresser, et c'est là que débute toute la splendeur de la scène, Cheung retire ses lunettes, les met sur la jeune fille, submergée d'une incompréhension totale, elle s'immobilise, la fille du bus porte des écouteurs dans lesquels défilent une musique intradiégétique, pour donner l'illusion d'un couple, Cheung enfile un de ses écouteurs, pose la main sur son épaule, et la fille, séduite, pose délicatement la tête sur les épaules de Cheung, et là le spectateur est invité à écouter la même musique (amplifiée lorsque Cheung se met l'écouteur) que nos deux personnages, une musique qui est totalement MA - GNI - FIQUE, elle m'est fortement familière, je suis obligé de la partager, voici la musique et la scène en question :

https://www.youtube.com/watch?v=8188hAnvNK4

Voila comment en quelques secondes To réussit à mettre en avant deux personnages dont il traite merveilleusement bien celui de Cheung. Voila comment en quelques instants To a mis en scène la plus belle liaison involontairement amoureuse de tout Hong Kong. Voila maintenant on peut tous aller crever tranquillement, c'est fini il n'y a plus rien à faire, on peut arrêter le cinéma, à quoi bon de continuer ?

Cheung va mourir, oui, mais il aura vécu les trois plus beaux jours de sa vie, trois jours que personne n'a pu vivre dans tout Hong Kong.

To nous confirme pour la énième fois qu'il n'y a qu'une seule personne à ce point classe sur Terre et c'est bien lui. Avec un scénario impeccable, légèrement alambiquée nous tortillant la cervelle afin qu'on soit mieux immerger dans les pensées de Cheung, To nous livre un film d'action malin et jouissif dont la réalisation n'a rien de révolutionnaire et manque surement un peu d'envergure, ayant même cet aspect un peu convenu, certes, mais sans pour autant être dépourvue de son efficacité monstre. To vient même nuancer le personnage de Cheung, car au delà de profiter des derniers instants de sa vie, tout ce manège gargantuesque aux apparences "terrifiantes" avait bien un but précis, un but pour le moins surprenant.