Ces derniers temps, les comédies françaises s’inspirent de plus en plus du style américain et tentent d’y imposer leur savoir et leurs traditions. On s’éloigne un peu des comédies vaseuses, bien que Dany Boon ou Kad Merad insistent pour y asseoir leur suprématie, et on se retrouve de plus en plus souvent avec des histoires moins lourdes de morales et un tantinet plus intelligentes. Moins manichéennes, plus subtiles et plus légères, voilà ce qui caractérise nos comédies 2.0. A ne pas oublier que le jeu d’acteur y est également plus convaincant. A une certaine époque, nos chers Alain Chabat, Thierry Lhermitte et autres Gérard Jugnot donnaient le ton, et même s’ils sont des acteurs grandioses, c’est par leur humour avant tout qu’on se souvient de leur jeu. Désormais le travail de composition y est un peu plus présent et approfondi, même si l’histoire reste relativement basique. Dans cette veine, nous pensons à des films comme Divin Enfant, Intouchables ou Le Prénom par exemple, ou même d’autres films plus discrets comme Radiostars ou Dépression et des potes, malgré leurs vedettes humoristes.


Dans Rupture pour tous, il est question d’une entreprise créée afin de donner la possibilité aux gens désirant rompre de le faire sans avoir à affronter leur lâcheté. Qu’on ne sache pas comment ou quand rompre, quoi dire ou que l’on n’ose pas faire du mal à autrui, des gens sont là pour le faire à notre place. Evidemment ce n’est pas une idée bien originale, beaucoup de vidéos et court-métrages diffusés sur internet s’inspirent de concepts similaires. Et on ne parle pas du court-métrage Love is Dead à l’origine de ce film. Mais dans le panel cinématographique français, c’est un sujet inattendu. On notera évidemment le jeu de mot lié au mariage pour tous qui fait sourire, dans l’union comme la séparation, chacun est sur un pied d’égalité et libre de choisir. Mais là où le sujet prend tout son sens, c’est que si de prime abord il paraît idiot (les gens cherchent à se mettre ensemble en général, pas à se séparer), finalement ce n’est pas aussi aberrant que cela. Puisqu’il existe des conseillers conjugaux experts dans la réunion, pourquoi n’y en aurait-il pas dans la séparation?


Evidemment, il fallait bien étudier le concept. Sans y réfléchir on se dit que ce n’est pas difficile de dire à quelqu’un que l’on veut rompre. Mais en fin de compte, pour les gens en couple depuis des années, les gens pour qui l’amour est devenu une routine, ou même n’importe qui pour qui les mots et les sentiments ont un sens (donc tous sauf Jérôme Niel), la question trouve sa place. Finalement, avec toutes ces situations différentes, ces contextes divers, ces caractères et mentalités multiples, on se rend compte que rompre, et par expansion divorcer, n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Si l’on pense que demander recourt à cette astuce est un acte lâche ou encore hypocrite, c’est une erreur. On regrettera malheureusement que le sujet est pris avec autant de dérision, laissant trop peu de place à la réflexion, mais c’est une comédie avant tout. En revanche, on pourra vraiment trouver dommage que le film n’explore pas plus en profondeur le thème qu’il initie.


Car en fin de compte, sa construction est assez standard. Ce n’est ni plus ni moins qu’un Hitch inversé, le pathos en moins avec une touche de modernité dans le discours (quoique Hitch était plutôt ouvert d’esprit à ce niveau). C’est très attendu notamment dans les relations et dans quelques dialogues bien trop prévisibles que c’en est consternant, ce manque de subtilité. Le scénario évite cependant tout au long du récit de sombrer dans la mélancolie, une chose qu’on lui saura gré. L’humour y est donc plus pertinent et les scènes plus crédibles en rapport avec la construction de leurs personnages. Ce n’est pas touchant, c’est juste drôle et intelligemment écrit. Le concept aurait mérité plus de profondeur mais le dosage est suffisant pour ne pas alourdir le propos ou faire l’erreur de trop. Un film qui a donc ses qualités et ses défauts mais évite les plus condamnables. On rigole de bon cœur et on apprécie le parcours de nos personnages. On en viendrait presque même à espérer qu’une telle instance existe dans un avenir proche.


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Notry
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le 24 févr. 2019

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