Conte de fée dans le milieu d'affaires

A première vue, je ne suis guère attiré par ce genre de romance au léger goût de guimauve, mais en tant qu'admirateur de Billy Wilder, je considère ce film non pas comme un de ses meilleurs, mais comme une bonne comédie sentimentale, d'autant plus que ce genre dans les années 50 était plus pertinent que les comédies sentimentales américaines plus modernes qu'on voit depuis la fin des années 80. Mais bon voila, je ne suis pas trop client mais je sais reconnaître du travail bien fait.
Ce qui aurait pu n'être qu'un banal conte de fée dans le milieu des affaires, se transforme grâce à Wilder en une comédie souvent cynique. On est dans un milieu de milliardaires avec grosse baraque, limousine et chauffeur de maître, et le scénario semble tremper dans un océan de conventions mélodramatiques. Wilder toujours avide de désacraliser les univers formatés, transforme tout ça en étude incisive pleine d'ambiguïté dans les situations qu'il crée et dans la manière qu'il a de les résoudre, mais là où je trouve qu'il manque quelque chose, c'est justement dans le fait que Wilder ne pousse pas assez le bouchon, j'aurais aimé qu'il soit plus mordant sur ce milieu d'affaires, il avait déjà épinglé le journalisme à sensation avec une férocité impitoyable dans le Gouffre aux chimères. D'autant plus que j'ai lu dans une interview de lui qu'il révèlait avoir écrit de nombreuses scènes avec Ernest Lehman au coup par coup, souvent la veille de les faire jouer par ses acteurs, il aurait donc peut-être pu être plus féroce.
Il est possible que le studio ait eu aussi son mot à dire, mais en l'état, c'est un bon film où Wilder se livre à une satire assez subtile de la société américaine, celle de la haute bourgeoisie et des friqués, en plus il utilise le charme mutin et la grâce d' Audrey Hepburn qui venait de se révéler en 1953 dans Vacances romaines, en inversant le mythe de Cendrillon, c'est à dire qu'il joue de son image d'ingénue en la transformant en arriviste qui n'est pas découverte par un prince charmant mais qui au contraire, met le grappin sur lui.
Dans cet emploi, Audrey s'en sort bien et rayonne, William Holden est également dans son élément, seul Bogart ne semble qu'à moitié à l'aise, c'est un rôle qui le change de ses rôles de gangsters, mais je n'aime pas trop le voir dans ce genre d'emploi, d'ailleurs le rôle avait été écrit au départ pour Cary Grant, il a fallu le remanier pour Bogart qui en profite quand même pour afficher un registre semi comique. C'est ce trio d'acteurs qui donne donc tout son sel à la satire voulue par Wilder. Du reste, le remake réalisé par Sidney Pollack en 1995 avec Harrison Ford sera bien terne à côté.

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le 18 févr. 2019

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Ugly

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