Symphonie nostalgique

C'est au son de 'Happy Time'¹ que, sur un pas décidé, le grand-père Bonnard (Marcel Dalio) amorce son quotidien de dandy, devant le regard émerveillé de Robert 'Bibi' Bonnard (Bobby Driscoll). Admiratif de son père et de ses oncles. 'Happy Time' se veut être un coming-of-age story sur la puberté du petit dernier d'une famille aussi truculente que bourgeoise durant l'entre-deux-guerres.

Lorsque l'on voit le père Jacques Bonnard (Charles Boyer) jouer de l'orchestre au cinéma ou le jeune Bibi admirer le « latin lover »² en cheik, on ne peut s'empêcher de croire que Fleischer a tiré dans ses souvenirs personnels pour confectionner cette sitcom³ ciblée pour les franco-canadiens, moins dans un probable souci de représentation que celui de toucher une part de marché. Néanmoins, il faut se prévaloir de toute condescendance devant ce récit moral. Cette comédie tout guillerette est un univers en soi, un monde qui n'existe plus ou n'aura jamais existé. Un monde aux valeurs morales claires et définies, où la moindre nudité est taboue et où les adultes se soucient de la souffrance des enfants. La scène où Bibi craque et pleure en est un exemple.

Chaque membre de la famille trouve sa place dans la maison, comme l'oncle Louis Bonnard (Kurt Kasznar), mis à la porte de chez lui et naviguant entre ces deux foyers. L'alcoolisme qui le caractérise n'est pas considéré par le film comme une problématique, surtout face à ces conflits relationnels avec sa femme, présentée comme une mégère. L'oncle Desmond Bonnard (Louis Jourdan), débarque à peine et drague Mignonette Chappuis (Linda Christian), la bonne nouvellement arrivée. Cliché du French lover pénible qui triomphera malgré les déconvenues pour cadrer avec le happy end généralisé !

Le mal est représenté par la pudibonderie exagérée et l'injustice, par exemple, l'intrigue autour des punitions que le directeur infligera à Bibi car il n'est pas d'accord avec l'accusation qu'on lui reproche. Ce qui permettra à nos adultes de venir sauver notre Bibi et de développer une morale du juste et du bien pour les spectateurs nord-américains de l'année 1952.

¹ La Chanson d'introduction 'The Happy Time', écrite par Ned Washington et composée par Dimitri Tiomkin.

² 'Le Cheik' (The Sheik) est un film américain réalisé par George Melford sorti en 1921, il a pour vedette le « Latin lover » Rudolph Valentino.

³ La sitcom est une œuvre de comédie de situation tournée en studio, en brefs épisodes, qui présente des personnages dans des situations sociales familières.