À l’extrême opposé de Wonka (Paul King, 2023), en ce moment dans les salles de cinéma, The Witches restitue la férocité de l’univers de Roald Dahl, qui lui-même rendait à l’enfance sa cruauté intrinsèque. Le maître mot du long métrage est la déformation : celle des corps, de la métamorphose des enfants en souris aux extensions ou amputations des sorcières ; celle de la cellule familiale, d’abord brisée puis peu à peu recomposée par l’action croisée de la grand-mère et du petit-fils ; celle enfin de l’espèce humaine fracturée entre noirs et blancs, pauvres et riches, en témoigne le choix de la Louisiane comme cadre du récit qui, à l’instar des flashbacks, fait ressurgir le passé esclavagiste. La mise en scène, d’une remarquable fluidité, transcrit à l’image le propos politique de Robert Zemeckis : orchestrer, au moyen du divertissement, sans crier gare, la révolte des petits, des opprimés, de ceux que l’on ne considère pas sinon comme une force de travail ou, pire encore, comme un garde-manger. Ce faisant, le cinéaste raccorde le conte à son imaginaire, les personnages rejoignant les marginaux choisis comme héros tels le simple Forrest Gump, l’excentrique Doc, l’alcoolique Whip Whitaker etc.
L’alliance des prises de vue réelles et du numérique nous laisse stupéfaits, le cinéaste atteignant une perfection du geste qui atteste un sens du rythme et de la scène ; le montage rejette le broyage charcutier pourtant à la mode aujourd’hui, privilégie les plans longs et le plan-séquence lorsque les rongeurs se déplacent ; le travail sur les échelles crée une immersion et nous place au plus proche de l’action ; enfin, la partition musicale que signe Alan Silvestri emporte l’ensemble dans une allégresse et une tension mimétiques des émotions éprouvées alors. Un immense film, injustement boudé à sa sortie, qui a l’intelligence de faire de la famille un espace hétérogène et inclusif qu’unifie l’amour par réaction au mal ambiant. Quel enchantement esthétique !