“Des rites d’une violence insoutenables” nous dit la jaquette, et tant pis pour la petite faute. Film d’horreur « intéressant » à plus d’un titre, The Laughing Dead peut se vanter de proposer des effets spéciaux assez réussis, dans une belle variété horrifique où la chair est molle et les viscères rougeoyantes. Les exécutions qui sont présentes ont ce petit effet dégouttant et réjouissant recherché par l’amateur, à l’image de la plus belle d’entre eux, l’ingestion forcée d’un bras où les doigts s’agitent encore dans la gorge… Une petite surprise attend le spectateur à la fin, avec des créatures en latex qui vont se crêper le chignon. Ces effets spéciaux sont signés Magical Media Industries, à l’œuvre sur un bon paquets de série B, mais qui a aussi travaillé sur Vendredi 13, Halloween et Freddy, certes pas les meilleurs volumes de leurs licences.
Pour le reste, The Laughing Dead ne vaut pas tripette. Mais on ne peut pas lui reprocher d’essayer.
A l’image de son scénario, qui quitte les territoires un peu trop connus de cette grande et vaste Amérique du Nord pour ceux du Sud, probablement le Mexique. Le prétexte est un peu fumeux, sous l’égide d’un voyage archéologique en terres aztèques alors que l’équipe est composée de personnages aux caractères exagérés, explicitement présentés dans le film comme “sortis d’un film de Fellini”, en toute modestie. Un couple de bobos new-wave représente la meilleure part de cet équipage caricatural grâce à leurs leurs folies mystiques.
Le film se sert de ses personnages secondaires pour appuyer un léger second-degré, en contrepoint de celui plus sérieux, presque présenté comme dramatique, avec la figure du père O’Sullivan. Le scénario nous l’introduit en bon samaritain, dès ses premières scènes il joue au basket-ball avec des enfants, reçoit une jeune femme en peine, alerte la police d’un problème qu’on lui a signalé et organise ce voyage. Une bonne pâte. Mais dans cette virée en bus qui emmène ce beau monde en terres aztèques, une ancienne connaissance s’ajoute à la fête, une ancienne nonne, un ancien amour. Tous deux ont pêché, pour donner naissance à une affreuse tête à claques qui a le juron facile, qualifiant le père de “tapette en jupette”.
(Ho le vilain garçon !)
Les dialogues en français sont d'ailleurs riches en littérature.
Tim Sullivan interpète ce père compassionné, mais dont la foi a vacillé depuis longtemps, s’interrogeant sur ses actes précédents. L’acteur poursuivra une collaboration avec le bis jusque dans les années 2000, parfois à l’écriture ou au scénario. Si son interprétation se montre acceptable dans ce rôle de l’homme d’église bon mais faillible, c’est un tout autre visage qui se dévoile quand celui-ci est envoûté par une ancienne puissance mystique. Tim Sullivan grimace et gesticule, a des spasmes, il grogne aussi, et c’est tellement forcé et grotesque que ça en devient hilarant. Le Mal a pris possession de ce brave homme, le film voudrait nous attraper là-dessus, et pourtant qu’est ce qu’on en rigole.
Car cette menace ici présente a beau être originale, voulant puiser dans la mythologie aztèque, d’un mal ancien perpétué par le Dr Um-Tzec, adepte de sacrifices rituels, comme dans le bon vieux temps avec quelques enfants pour plaire aux Dieux, mais pas que. On ne peut pas dire que le film fasse honneur à cette civilisation aztèque, les recherches semblent limitées, mais l’intention est là, cela reste exotique, même si quelques costumes de plumes et un vieux décor sous-terrain sous-terrain ne permettent pas d’appuyer là-dessus.
Ce méchant Dr Um-Tzec est admirablement mal joué par Somtow Sucharitkul, scénariste, réalisateur, producteur et même compositeur sur le film, démontrant qu’il ne faut jamais laisser autant de responsabilités à la même personne. Mais cela permet à la critique d’affirmer que puisque c’est son film, toute la responsabilité de sa qualité lui revient.
Somtow Sucharitkul est peut-être un trop gourmand garçon, mais c’est aussi un romancier de science-fiction et d’horreur, qui signe ici son premier film. Sa production réunit d’ailleurs un certain nombre de romanciers réunis pour le casting, c’est le cas de Tim Sullivan, mais on y retrouve aussi Gregory Frost, Edward Bryant (qui a souvent collaboré avec George R. R. Martin) ou le talentueux Tim Powers et même le scénariste de comics Len Wein (créateur de Swamp Thing), dans des rôles plus consistants ou des apparitions. Avec un certain nombre d’acteurs qui semblent amateurs, et au vu de la faiblesse du scénario, The Laughing Dead est un projet d’amis, pour le plaisir.
Cependant, pour le spectateur, le plaisir est modéré. Il a pour lui ses effets spéciaux, assez imaginatifs, réussis. Mais l’interprétation est à pleurer (et parfois de rire) tandis que l’histoire entre sérieux et second degré n’arrive pas à équilibrer son propos, avec parfois des exagérations dans les deux camps qui feront grandement soupirer (le match de basketball aztèque, au secours, c’est quoi cette idée ?). Le bébé de Somtow Sucharitkul a quelques idées, c’est certain, mais le film reste plus une expérience intéressante à découvrir, certainement pas un bon film.
Et quand je dis “intéressante”, c’est surtout comme nanar. Nanarland lui a écrit une petite chronique.