Une jeune coréenne (Lee Min-ji) a trouvé un emploi à première vue anodin, derrière un guichet. On la voit réceptionner des tickets, les placer dans une machine qui les compte automatiquement, annoncer la somme correspondante et la rendre en espèces à la personne de l’autre côté du guichet. On réalise progressivement que les tickets sont utilisés dans une salle de jeux clandestine et que la jeune caissière est payée au noir. Situation d’autant plus risquée qu’elle utilise une petite combine personnelle pour gagner un peu d’argent ni vu ni connu. Petit trafic trop systématique pour rester discret. Certains gestes traduisent plus que de l’agacement…
Ce qui devait arriver arrive, un client mécontent s’en prend au patron. Il est sûr de son fait, alors que le patron lui demande des preuves. Évidemment, le ton monte. Soudain c’est le sauve-qui-peut pour la jeune fille qui comprend qu’elle a affaire à un homme que plus rien ne peut arrêter…
Grâce à un scénario de qualité (aucun temps mort), une mise en scène réfléchie et un sens aigu du détail, le coréen Moon Byung-gon (Corée du sud) embarque le spectateur dans un univers étouffant où la tension, palpable dès le début, ne se relâche jamais. Le spectateur a tout juste le temps de comprendre ce qui se trame que le drame se joue. Alors, tout se passe à l’instinct et la violence explose.
Avec Safe, le réalisateur trouve le moyen de montrer son savoir-faire dans un film de genre (angoisse) assez représentatif du cinéma coréen, tout en auscultant la société de son pays. Le thème majeur ici est celui de l’enfermement. Tout ou presque est vu depuis l’espèce de cagibi où la jeune femme, assise derrière son guichet, ne voit quasiment que les doigts de ses clients. Sa seule incursion vers l’extérieur se solde par un repli stratégique immédiat. L’enfermement se sent également par les activités, l’argent étant la motivation de chacun. Une fois l’argent collecté, le patron se charge de le mettre en lieu sûr, dans un bon vieux coffre-fort (safe en anglais), symbole évident de l’enfermement. La jeune fille utilise un téléphone portable, instrument symbolique de la société moderne, mais l’objet se révèle une bien dérisoire ouverture vers l’extérieur.
Le film montre donc des individus enfermés dans leur obsession de l’argent. On peut y voir une représentation symbolique de la Corée, enfermée dans son activité industrieuse, toute occupée à faire son business sans réaliser que le système court à la faillite, même si chacun a sa petite combine pour s’en sortir. Un court métrage (13 minutes) qui fonctionne donc parfaitement. Revers de la médaille, Safe se signale par un cruel manque de chaleur humaine. Voir la relation entre la caissière et son employeur. D’ailleurs ce dernier, à l’occasion, exprime la piètre estime qu’il éprouve pour les clients de la salle de jeux.
Malgré un budget particulièrement limité (5 500 euro), le réalisateur installe une vraie ambiance (cadrages, couleurs froides, visages concentrés, gestuelle précise, musique inspirée de Pi Jung-hoon). Une réussite récompensée par la palme d’or du court métrage au festival de Cannes 2013.