Clara,prof de banlieue gaucho-laïcarde,Pierre,chef d'entreprise blindé et stressé, et Claude,alcoolo irresponsable et fainéant,sont frères et soeur mais ne peuvent pas se blairer.A la mort de leur mère ils héritent d'une considérable fortune mais doivent pour en bénéficier remplir une condition:effectuer ensemble le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.Il s'agit à ce jour de la dernière fiction cinématographique de la réalisatrice et scénariste Coline Serreau,et ce fut un échec assez immérité.Produit par l'avisé Charles Gassot pour sa société Téléma,le film est une des rares oeuvres prenant pour cadre les chemins de Compostelle.On peut se souvenir de "La voie lactée",un Bunuel de 69,mais c'était une tannée intello-barrée typique du style du cinéaste espagnol.Ce "St-Jacques" rappelle plutôt "Les randonneurs" de Philippe Harel,sorti en 97,même si ça se passait en Corse,sur le GR20.On y retrouve les qualités de Serreau,cette aptitude à définir les humains et les rapports qu'ils entretiennent,à les pousser hors de leur zone de confort pour qu'ils surmontent leurs phobies,leurs blocages,leurs préjugés et leurs problèmes personnels,comme elle l'avait précédemment fait dans "Trois hommes et un couffin","Romuald et Juliette" ou "Chaos".La fratrie dysfonctionnelle intègre un groupe comprenant six autres personnes et la réalisatrice parvient à faire exister ces neuf personnages qui trimballent tous leurs psychoses obsessionnelles,qui vont peu à peu se diluer dans l'effort physique,l'esprit solidaire et pour finir une belle amitié.Ils sont pourtant très différents,que ce soit socialement,moralement ou intellectuellement,mais ils vont découvrir les autres et se découvrir eux-mêmes au fil d'un périple exigeant traité avec un mélange d'humour,d'émotion et de tragédie bien dosé entrecoupé de scènes oniriques délirantes qui renforcent l'aspect mystique de l'histoire.Le film saisit parfaitement le sentiment d'immersion procuré par ce voyage qui va au-delà du pèlerinage religieux.Beaucoup de croyants l'accomplissent mais d'autres,comme les protagonistes du film,le font pour des raisons différentes qui tiennent de l'introspection et du défi personnel.En plus c'est très beau,l'itinéraire entre Le Puy-en-Velay et Saint-Jacques traversant le Massif Central et les Pyrénées par des chemins de randonnée en pleine cambrousse magnifiant la France éternelle et l'Espagne catholique et mauresque.Ce feel good movie en mouvement et en pleine nature constitue un très joli film totalement original,Coline Serreau ayant le mérite non négligeable d'écrire ses scripts et d'éviter les adaptations de supports préexistants.Elle est soutenue par une troupe d'acteurs en état de grâce,ce qui est de circonstance.Muriel Robin,pas toujours convaincante en tant que comédienne,est ici fantastique en enseignante revêche et belliqueuse qui va renouer avec son instinct pédagogique,essence de son métier,et ses frangins détestés.Le formidable Artus de Penguern casse la baraque en patron speedé qui laissera sur la route ses angoisses et ses médocs pour s'ouvrir aux autres.Jean-Pierre Darroussin est évidemment l'acteur idoine pour interpréter le jmenfoutiste embrumé fuyant la vie et les responsabilités qui vont avec.Le guide aguerri et patient qui cornaque son groupe consciencieusement en dépit du naufrage à distance de son couple a les traits d'un Pascal Légitimus solaire,alors que la délicieuse Marie Bunel est magnifique en cancéreuse combative cachant sa calvitie sous des foulards.Il y a deux jeunes filles charmantes et décidées jouées par la toujours juste et canon Marie Kremer et la jolie Flore Vannier-Moreau qu'on ne reverra hélas pas à l'écran.Nicolas Cazalé,qui deviendra ensuite un solide espoir du cinéma français avant de plus ou moins disparaître des radars,est poignant dans le rôle de Saïd,ce jeune arabe protégeant de son mieux son cousin Ramzi,un simplet dyslexique ignorant que sa mère est mourante.Aymen Saïdi,une grande révélation,est bouleversant dans ce rôle qui lui vaudra une nomination aux Césars.Vulnérable et empathique,il deviendra la mascotte du groupe,chacun essayant de l'aider du mieux possible.Mais Saïdi n'aura par la suite que des rôles secondaires.Au fil de leur périple,les pèlerins feront un tas de rencontres agréables ou non qui nous permettront de voir au passage Hélène Vincent en religieuse,Michel Lagueyrie en curé peu accueillant,Stéphane De Groodt en prêtre sympa et Laurent Stocker en randonneur arrogant et prétentieux.Anne Kessler est bluffante en épouse dépressive et imprime durablement la pellicule malgré la brièveté de son rôle.Deux piliers des séries télé viennent faire coucou,Olivier Claverie,de "La loi de Barbara" en notaire,et Pierre Aussedat,de "Mongeville",en chauffeur dévoué.