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Saint Laurent est un des films que j'attendais le plus cette année, pas par intérêt particulier pour le sujet, mais bien évidemment pour son réalisateur, Bertrand Bonello, que je connaissais de nom et que j'ai appris à adorer avec De la guerre et surtout L'Apollonide, qui était plus que magnifique. Par ailleurs j'avais bien apprécié Cindy son court-métrage, surtout pour sa fin. Ce mec a une fascination pour la musique assez extraordinaire, j'ai l'impression qu'il croit a un certain pouvoir de la musique, pas la soupe habituelle sensée nous faire ressentir des émotions et à laquelle hollywood semble accorder beaucoup d'importance, mais celle qui nous traverse l'âme, qui nous bouleverse, qui agit comme une catharsis, et qui est même capable de faire sangloter Asia Argento (c'est dire si c'est fort). Ça donnait notamment cette scène sublime de L'Apollonide avec Nights in withe satin (ou Amalric jouant de la guitare dans De la guerre).
M'enfin revenons à Saint Laurent, avec un réalisateur pareil, et un casting trois étoiles, comment ça pourrait ne pas être bien ? Ça ne peut pas. Parce que Bonello ose faire ce que Lespert n'a pas fait, s'intéresser à un homme, en dresser le portrait, et ce avec une vision très belle, sombre, triste, et une mise en scène géniale rhabillant l'esthétique naphtalinée du film sorti en début d'année.
Parce que Bonello est un vrai metteur en scène, qui arrive à dire énormément de choses avec rien. Au début du film on ne sait rien des personnages, de Bergé, même de ysl, et il suffit que Bergé débarque dans l'atelier et on a compris, pas besoin d'en dire plus. Idem pour Saint Laurent, on ne le voit pas pendant un moment, mais il suffit qu'un personnage fasse remarquer que monsieur Saint Laurent a relancé sa musique et c'est bon, on sait qu'il est là, on a tout compris du personnage.Ce que je trouve génial dans ce film, c'est que Bonello gagne sur les deux tableaux, il impose sa vision du personnage, extrêmement personnelle, et arrive aussi dépeindre l'univers de la mode avec pas mal de justesse. J'ai adoré la scène de réunion entre Bergé et un partenaire américain, où les deux ne parlent pas la langue de l'autre, et ont besoin d'une traductrice, c'est une cacophonie, les phrases et les deux langues se mêlent (imagé bien sûr), ça dure des plombes, c'est bien mis en scène, c'est assez fabuleux. Globalement le film c'est du cinéma, du vrai, pas un fade téléfilm, Bonello n'a jamais autant inondé le film de musique, il crée des images assez sublimes, il maîtrise sa narration, il nous fait des split-screens pour nous montrer le temps qui passe, a-t-on besoin d'avoir plus ?
Mais surtout, c'est un film très beau et très émouvant. Moi qui n'était pas intéressé par ysl, non seulement il a réussi à m'y intéresser, mais en plus je m'y suis attaché, et il a fini par complètement me bouleverser. Alors je vois déjà des gens me dire que ça ne colle pas avec la réalité, que le vrai Yves Saint Laurent n'était pas comme ça ou totalement détestable, mais on s'en balance complètement. Moi je vois un film beau à en chialer, où montrer Saint Laurent vieux, seul, hanté par sa solitude, bercé vers la fin par l'ave maria, c'est émouvant, quand bien même ce serait une invention de cinéma. Bonello aime son personnage le comprend, on est loin du biopic conventionnel qui chercherait à révéler la part d'ombre de telle ou telle personne traitée. Excusez-moi si je dis des bêtises, mais la fin du film, que je ne dévoilerai pas, n'est-ce pas la plus belle des manières de rendre hommage à l'artiste qui nous intéresse, qui nous fascine, et qu'on arrive à rendre émouvant ? Le tout en restant toujours très pop, très pur, simple.
Je suis d'accord avec télérama sur le côté proustien du film (ce qui me rappelle qu'il faudrait que je lise Proust), le film s'amuse avec la temporalité, on voit le vieux Saint Laurent qui ressasse sa vie, qui repense au moment où il est "mort". C'est assez explicite avec l'idée du tableau représentant la chambre de Proust, là encore idée qui aboutie à quelque chose de magnifique. Il faut vraiment aimer ses personnages pour leur faire de telles cadeaux. Ça me rappelle le clin d'oeil à Marivaux chez Kechiche dans l'Esquive et La Vie d'Adèle, un auteur qui aide les personnages à se comprendre.
De toute façon, il faut le voir, même moi qui ne connaît pas le cinéma je ressens que ce film est en, complètement. Et puis mes lacunes culturelles ne m'empêchent pas d'être fasciné par cet objet.
Bon maintenant j'attends le Cavalier et le Sciamma (et j'en oublie je crois).