Friand de cinéma de genre, surtout lorsqu'il s'accompagne d'une dimension auteuriste, j'étais logiquement très curieux de découvrir ce premier film multi-récompensé de Rose Glass. A l'arrivée, il y a ici un long-métrage assurément intéressant mais qui n'est pas dénué de certaines limites plus ou moins gênantes.
L'histoire nous conte donc la trajectoire torturée de Maud, une jeune femme pieuse reconvertie en infirmière à domicile après un accident professionnel. Son travail va l'amener à s'occuper d'Amanda Khoel, une ex-star de la danse qui ressasse ses moments de gloire façon Norma Desmond. Choquée par le comportement désinhibé de la star, Maud va rapidement se mettre en tête de sauver l'âme de sa patiente en fin de vie .
Au niveau de ce qui fonctionne, il faut reconnaître à Rose Glass un véritable talent pour la mise en scène. La réalisatrice est évidemment cinéphile et marche régulièrement sur les pas de grands noms. Face à cette histoire de folie et de solitude, difficile de ne pas songer à Polanski et à sa trilogie des appartements maudits. Plus inattendu ; Bergman apparaît rapidement comme une autre référence évidente. Tout d'abord, on ressent l'ombre du suédois à travers l'idée de base de Saint Maud, soit la relation troublée entre deux infirmières entre fantasme et réalité. Mais le cinéaste est aussi convoqué lors d'une séquence de dîner qui fait directement appel à celle de L'Heure du Loup.
Nous avons donc ici un premier film bourré à ras-bord d'inspirations enthousiasmantes.
La cinéaste est donc souvent maîtresse de ses effets et ne bascule jamais dans les clichés du genre. Les séquences fantastiques sont rares mais percutantes. Comme son comparse Ari Aster, Rose Glass ne rechigne pas à sombrer dans une forme de grand-guignol ; attendez-vous donc à quelques voix démoniaques, du bon vomi des familles et quelques fulgurances gores assez réjouissantes. Bref, on est certes devant un film d'auteur mais l'amour du genre est bel et bien présent. Ajoutez à ça une esthétique globalement léchée, avec quelques très beaux plans, et on a un film vraiment réussi sur le plan visuel.
Scénaristiquement, l'idée est tout à fait séduisante sur le papier. Rose Glass décide d'aborder l'isolement et la religion par le biais du cinéma de genre, et c'est tout à son honneur, d'autant que la thématique religieuse est trop souvent reléguée au simple décorum dans les films d' horreur. De plus, la rencontre entre les deux femmes est l'occasion pour la cinéaste d'explorer certains dilemmes assez jouissifs pour Maud ; entre répulsion, mépris, mais aussi désir, empathie, ses sentiments pour Amanda sont suffisamment nuancés pour créer un véritable trouble. Cependant, je dirais que tout ceci manque tout de même un peu de profondeur, le film me paraît trop court pour transcender véritablement ces intentions. La relation entre les deux femmes est trop vite reléguée au second plan, j'ai vraiment trouvé ça dommage et j'ai eu l'impression que Rose Glass se détournait de l'aspect le plus intéressant de son propre film. Une demi-réussite, malgré des personnages excellemment interprétés.
Cependant, la véritable limite du film se situe ailleurs et me semble assez symptomatique de ces productions indés un poil trop appliquées pour secouer. Je m'explique ; Saint Maud joue la carte de l'ambiguïté entre la réalité et la fantasme et entend clairement perdre son spectateur dans les méandres de la psyché de l'héroïne. Seulement, là où le film échoue, c'est qu'il est trop sage pour véritablement perdre le spectateur dans les méandres de la psyché de son héroïne. Là où d'autres très grands films comme Le Locataire, Eraserhead ou Le Festin Nu questionne véritablement la notion de réalité et rend le spectateur actif dans le décodage de l'œuvre, Saint Maud est hélas trop artificiel et prévisible pour créer un authentique vertige. On comprend malheureusement trop vite quelles scènes sont fantasmées et quelles scènes sont réalistes. Les intentions de la cinéaste sont trop visibles. Il manque ce grain de folie, cette créativité dans le montage, cette puissance symbolique, etc. Saint Maud est plaisant, joli, mais il reste étrangement plat, alors qu'on aurait adoré voir la réalisatrice s'émanciper à travers des séquences plus stimulantes Il n'y a pas cet aura qui permet au film de perdurer après le film. Il manque à Saint Maud soupçon d'incompréhension qui subsiste après le film, comme dans les récents Hérédité ou Burning.
Pour conclure, Saint Maud est un film fantastique de qualité, qui laisse entrevoir une cinéaste inspirée mais qu'on aimerait voir moins timide.