Les films de procès, ce n'est pas toujours une bonne idée, tant le genre est difficile à appréhender, à dynamiser, à sortir des carcans du cérémonial de sa salle d'audience.
Pas sûr qu'Alice Diop y soit totalement parvenue avec Saint-Omer.
Car avec ses longs plans fixes sur son accusée, qui finit par se confondre avec le décor, qui se tient toujours raide et droite, comme une statue de la mythologie grecque, le film épouse une position statique qui, si elle apparaît rassurante, contribue à interdire à l'oeuvre de sortir des rails dans lesquels elle s'inscrit. Soit l'exact contraire d'un film comme Les Choses Humaines, qui avait dynamisé son récit dans la confrontation des versions.
Il en résulte une impression de chronique de procès froide, dénuée de passion.
Alors même que les interprétations de Guslagie Malanda et Valérie Dréville se montrent au moins formidables, et que leurs regards croisés sur l'indicible se répondent et se complètent avec une acuité de chaque instant. Les deux performances sont belles et justes, à l'évidence.
Sauf qu'Alice Diop, alors même qu'elle a un peu plus humanisé son accusée par rapport à la véritable coupable, imprime sur le film une distanciation qui empêche longtemps de s'investir émotionnellement, ou encore d'investir les failles de Laurence Coly.
Celle-ci demeurera ainsi le personnage-impasse que représentait son modèle dans la vie réelle. Le film ne prétend ainsi pas donner une réponse définitive à la question du pourquoi d'un tel acte, mais de donner corps et réalité à une jeune femme impénétrable, insaisissable, gardant son mystère quasi intact.
Une posture fascinante, alors qu'elle se dérobe pour tenter de contourner l'obstacle des questions les plus sensible de l'audience, alors qu'elle livre des bribes de sa vérité et de ses contradictions intimes.
Un personnage fort, qu'il est dommage de voir diluer par Alice Diop. Car en effet, la réalisatrice croit enrichir son propos sur la maternité et sa réconciliation en enchaînant les références maladroites, parfois hors de propos, un personnage porte d'entrée ou une mère au final relativement inutiles au récit, ou en essayant de susciter l'émotion en dernière ligne droite par des procédés parfois grossiers.
Comme si Alice Diop n'avait pas confiance en la puissance de son fait divers et de son personnage tout droit issu d'une véritable tragédie.
Et si on peut croire la réalisatrice sur le fait qu'elle ait été passionnée par l'étrangeté de cette affaire criminelle questionnant notre humanité, Saint-Omer ne prend que partiellement la mesure de l'événement judiciaire qu'il tente de dépeindre et d'investir.
Behind_the_Mask, allo maman bobo.