Saint Omer, ou le procès des procès faits aux femmes

Saint Omer, c’est l’histoire de Rama, écrivaine qui assiste à un procès pour infanticide afin de nourrir son prochain roman. C’est celle de Laurence, jeune femme accusée d’avoir tué sa fille. C’est l’histoire d’une femme qui assiste au procès d’une autre femme, une histoire des procès faits aux femmes – du « procès » violent et injuste fait aux femmes tondues à la Libération jusqu’au procès de Laurence.


Je ne m’étalerai pas sur l’histoire de Rama : le personnage n’apporte rien, à part un moyen d’entrer dans cette Cour d’assises de Saint Omer. En réalité, son personnage servira surtout à sortir du tribunal et du procès, cadre qui visiblement ne convient pas à la réalisatrice et au message qu’elle s’efforce de faire passer au spectateur.


Les incessants plans sur les visages des personnages apparaissent comme un moyen paresseux et peu inspiré pour construire les personnages et permettre une quelconque empathie du spectateur à leur égard. Pourtant, le personnage de Laurence demeure une façade tout au long du film. On voit bien que l’intention derrière ses plans est de ramener l’humain au centre du film, pourrait-on dire. Ce qui laisse peu de doutes sur la manière dont Alice Diop appréhende le procès : pas étonnant qu’elle multiplie les tentatives pour s’en extirper.


Le début du film reste agréable à regarder, sans réellement proposer de regard nouveau sur le procès comme objet cinématographique. A mesure que le procès se déroule, l’affaire se complexifie et on comprend rapidement que le but du film est de nous mettre face à un dilemme : on sait que Laurence est coupable ; pour autant, doit-elle être punie ou sauvée de ses démons ?


Plus le film progresse, plus sa subtilité s’érode. L’accusation passe au second plan au profit de la défense. Le choix est assumé, Alice Diop fait le procès du procès : il s’agira de montrer (et plus de convaincre) au spectateur que punir Laurence est injuste. C'est comme si une instruction à décharge nous était imposée : comment ne pas se sentir infantilisé en tant que spectateur ? Le dilemme laissait une marge intéressante de réflexion en tant que spectateur et le film nous en prive, car il faut faire passer le message à tout prix.


Histoire de planter le dernier clou dans le couvercle du cercueil de la nuance, le film se débarrasse des contraintes du procès (le contradictoire, à tout hasard) dans la scène de la plaidoirie de l’avocate de la défense. Si ça ne vous avait pas suffi, les portraits de femmes aux visages plus ou moins ruisselants de larmes vous indiquent la « bonne » réaction : il faut être ému, il faut être touché par l’histoire de Laurence. Exit les réquisitions : on vous l’a dit, ce procès rendra un arrêt et pas la justice, alors pourquoi s’embêter avec des réquisitions, ou même le verdict ?


Pour moi, la déception est totale pour moi : pourquoi faire un film de procès si on n’assume pas d’aller jusqu’au bout dudit procès ? Le film se finit ainsi sur une fausse note : on en revient à Rama dans un des rares plans larges du film qui dénote avec le reste du film (comme la musique qui l’accompagne) et le procès est oublié comme un mauvais rêve.

doriavcn
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le 17 oct. 2022

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