Oeuvre monumentale, épique, mais aussi oeuvre spirituel et politique. Comment ne par ressentir le frisson pendant tout le film, voir devant ses yeux une vraie fresque, c'est beau, c'est grand. Point de manichéisme ni même une trace de propagande antioccidentale.
Oeuvre politique d'abord, replaçant dans le contexte le film de Chahine, ici il y a vraiment un parallèle à faire entre Saladin et Nasser. Nasser est vu comme le nouveau Saladin, celui qui va réunifier les peuples et les pays arabes, comme l'a fait Saladin à son époque. Saladin est en fait le rêve et le symbole de cet orient soudé et fort, ce qu'effectivement incarné aux yeux de millions de personnes Nasser, même s’il n'y arrivera pas comme son fabuleux ancêtre. Mais il ne faut pas y voir une bête propagande en faveur de Nasser, mais plutôt un plaidoyer pour retrouver la gloire et la fierté d'antan.
Pour appuyer son propos Chahine, montre de manière très belle, les relations interreligieuses. Chahine démontre très bien que ces relations sont tout à fait possibles, que les croisades ne sont en fait que des affaires politiques de recherche de pouvoir et de richesse. En effet, ceux qui possèdent des idéaux religieux et qui se remet en question, comme Saladin ou même Richard Coeur de Lion sont des personnages magnifiques, des parfaits chevaliers du moyen-âge. Un autre exemple de cette recherche de cohabitation harmonieuse, le passage où L'Adhan des musulmans retentit avec les cantiques chrétiens, c'est simple, mais pourtant si beau. Mais ici, rien ne tombe dans le mélo gras et lourd, c'est fait avec beaucoup de maitrise, loin des boursouflures idéologie de certains films américains sur cette période, par exemple The Crusades de Cecil B.DeMille.
Au delà de ses aspects, l'essence du film reste quand même l'aspect épique, et c'est là que le film montre sa force, chaque bataille, chaque scène a au moins une idée de mise en scène. Bien que le format utilisé soit du scope, je soupçonne Chahine de s'être bien plus inspiré de Eisenstein que de DeMille, les gros plans sur les visages, les scènes limites expressionnistes, le souffle épique. Cette superproduction égyptien arrive à rendre ridicule bon nombre de films épiques américains. Le fait d'être complètement libre à permis à Chahine l'auteur de surpasser le côté simplet du film médiéval épique, pour en faire une oeuvre surpassant ce simple côté spectacle, le montage intelligent et les sublimes cadrages en sont la preuve. Notant aussi les sublimes décors en extérieurs.
Bref, une oeuvre unique dans le cinéma arabe qui transcende son genre, un tour de force admirablement mené. À voir absolument !