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Salò ou les 120 journées de Sodome est une œuvre cinématographique rare, un de ces films qui hante la rétine des spectateurs depuis sa sortie en 1976. Œuvre ultime de Pier Paolo Pasollini, Salo est un long-métrage que certains jugeront pervers et dégoûtant, alors que d'autres le qualifieront de chef-d'œuvre absolu du Septième art.
Afin d'appréhender l'objet, il est avant tout nécessaire de comprendre de quoi l'on parle. La petite ville de Salò, dans le Nord de l'Italie, a été un État fasciste fondé et dirigé par Benito Mussolini, de 1943 à 1945. Il est reconnu que le régime a pratiqué des sévices physiques et des tortures sexuelles sur les civils durant ces deux années de fin de guerre. Les 120 journées de Sodome est un roman écrit par le Marquis de Sade en 1785, alors qu'il est poursuivi par la justice pour « excès de libertinage ».
Ce récit sulfureux décrit l'épopée de quatre bourgeois dans le sud de l'Allemagne, décidant de kidnapper des adolescents afin d'assouvir leur pulsions sexuelles les plus obscènes. Le roman se sépare en trois tableaux, trois cercles successifs, mêlant tour à tour fougue passionnelle, excréments humain et hémoglobine, menant à un finale atteignant une cruauté rarement égalée. Le film de Pasolini superpose ces deux trames. Les quatre notables sont des fascistes qui se retrouvent dans le village de Salò. Ils sélectionnent dix-huit jeunes gens (neuf garçons et neuf filles), les enferment dans une somptueuse demeure et se livrent aux perversités les plus atroces, toutes inspirées de Sade, et cela durant 120 jours.
Et, soyons franc, tout y passe. Viols, coprophagie, urologie, tortures sous toutes les formes possibles... Les images marquent durement et longuement après le visionnage du film et les effets spéciaux frappent par leur réalisme. Cependant, au-delà des images choc, on peut surtout lire une critique acerbe de la bourgeoisie que Pasolini a toujours méprisé, une omniprésence du pouvoir qui passe par le sadisme pour imposer sa domination. Dans son roman, Sade s'attaquait à la religion, Pasolini s'attaque ici au pouvoir, et au pouvoir politique en particulier ainsi qu'à ses dérives totalitaires.
Au delà de la violence des images, on est également frappé par la qualité cinématographique intrinsèque du film qui tient en haleine le spectateur de bout en bout... on est ici bien loin de la violence creuse et gratuite dont Hollywood nous a habitué. En conclusion, il est difficile de donner une opinion sur ce film tant il touche à des thèmes sensibles et tant il remue. Il est nécessaire de prendre du recul, afin de se départir du choc des images pour se focaliser vraiment sur le contenu... ce qui est certain cependant, c'est que Salo est un de ces films dont les images et la puissance du message délivré habiteront tous les spectateurs acceptant de se laisser prendre par ces cercles d'atrocité... il y a définitivement un avant et un après Salo.
Citons finalement Jean-Claude Biette des Cahiers du cinéma qui nous dit que « Nuit et Brouillard et Salò sont les deux films que devraient voir tout spectateur qui aspire à devenir citoyen. »