Bande de mercenaires
Même si le projet est loin d'être totalement abouti, Saloum représente une entreprise digne d'intérêt par son caractère 100% africain, dans un continent à la cinématographie si peu présente sur les...
le 1 avr. 2022
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Je connais très peu, pour ne pas dire pas du tout, le cinéma africain. A vrai dire, je n’ai strictement rien vu hormis le complètement what the fuck Jesus Shows You The Way To The Highway (2019, Éthiopie) et le très fauché mais fun Who Killed Captain Alex (2010, Ouganda). Non pas que ce cinéma ne m’intéresse pas, mais il est assez difficile d’accès dans le sens où peu ou pas de bobines arrivent par chez nous. Alors lorsque le sénégalais Saloum pointe le bout de son nez et qu’il fait parler de lui lors de son passage au BIFFF 2022 avec des festivaliers enchantés du spectacle auquel ils ont assisté, ça a tendance à attiser la curiosité du cinéphage aventurier que je suis. Grand bien m’en a pris car le spectacle que propose Saloum est des plus intéressants, certes pas exempt de défauts mais pourtant ô combien réussi sur bien des points.
Estampillé « Shudder original » et décrit comme faisant partie d’une nouvelle vague de films en provenance d’Afrique, Saloum est l’œuvre du cinéaste franco-congolais Jean-Luc Herbulot qui, après Dealer en 2014, signe ici son deuxième film. On va y suivre Chaka, Rafa et Minuit, trois mercenaires venus qui doivent extraire un baron de la drogue mais qui, à cause d’un souci de carburant, vont devoir poser leur avion au Sénégal et se cacher dans un hôtel au milieu de nulle part dans la région de Saloum, le temps de trouver de quoi réparer et ravitailler leur avion. Très rapidement, on sent que certains personnages cachent des choses, que ce n’est peut-être pas un hasard s’ils ont atterri ici et que cet endroit a quelque chose d’étrange, de mystique. Ce qui est fascinant avec ce film, c’est l’aisance avec laquelle le réalisateur Jean-Luc Herbulot marie les genres. On sent une réelle passion dans ce film, comme s’il avait voulu mettre tous les genres qu’il affectionne en essayant de rendre l’ensemble homogène. Commençant comme un film d’action, Saloum se transforme rapidement en western spaghettis, puis en thriller avec un spectateur qui va devoir essayer de comprendre les motivations cachées des différents personnages. Et puis à mi-film, rebondissement inattendu, on change de ton, et Saloum se transforme en film de vengeance pour finir en bobine fantastico-horrifique, le tout bien ancré dans le folklore local. La durée du film, 1h24 génériques compris, ne permet malheureusement pas de pousser suffisamment chacun de ces genres. On aurait par exemple souhaité un peu plus de développement de tout le mysticisme que le film introduit, en savoir un peu plus sur ces « esprits ». Cela aurait d’ailleurs pu être introduit de manière plus douce, afin de faire un peu plus monter la tension. Mais malgré tout, on sent le réalisateur très à l’aise avec ce mélange des genres et, là où certains se seraient plantés, le résultat est ici très digeste.
Saloum est un film qui se vit, bercé aux sons des percussions. La bande son est excellente, avec plein de sonorités africaines qui sont mélangées à d’autres influences (que ce soit western ou bien plus d’actualité). Il y règne une ambiance très particulière, parfois complètement hypnotique. Pour peu qu’on rentre dedans, on reste les yeux rivés sur l’écran 1h24 durant. La mise en scène est léchée, le film est visuellement très élégant et, bien que le réalisateur abuse peut-être un peu des plans aériens, certains paysages sont à couper le souffle. La caméra à l’épaule est omniprésente, tantôt calme lors des échanges bien écrits entre les personnages, tantôt plus rapide lorsque l’action entre en jeu. Le montage de ces scènes d’action dessert malheureusement un peu le film. On a l’impression que le montage cut est là pour pallier au manque de budget sur les CGI. Certes, ils sont au final plutôt corrects, mais on a l’impression que, dans la dernière partie, Jean-Luc Herbulot ne veut pas montrer trop frontalement ces « esprits ». Dans tous les cas, les CGI sont réduits à leur strict minimum car le film ne cherche pas le sensationnel, mais plutôt à faire perdurer son ambiance mystico-étrange qu’il a mise en place depuis le début. L’acting est impeccable mais différent de ce qu’on a l’habitude de voir, sans doute que l’alternance de langues (français, anglais, wolok, langue des signes) y est pour quelque chose. Les personnages, à défaut d’être très creusés, sont charismatiques. Ils sont rapidement attachants bien qu’on se doute que ce ne sont pas des tendres et qu’ils ont du sang sur les mains. Jean-Luc Herbulot va profiter de son cadre et de ses personnages pour intégrer divers messages politiques sous-jacents (les enfants soldats, la corruption, le pillage des richesses africaines, …). Dommage malheureusement que ce soit un peu trop vite balayé pour être réellement impactant. Mais avec sa durée de 1h24, il était difficile pour Herbulot de bien faire tout ce qu’il avait envie de faire. Pourtant, le résultat fonctionne très bien et Saloum est vraiment un film intéressant et qui a de la gueule.
Grâce à sa bonne mise en scène, des performances solides et un scénario surprenant, Saloum est un bon divertissement dépaysant. Un film de genre qui vaut le détour, malheureusement toujours pas distribué chez nous à l’heure où j’écris ces lignes.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-saloum-de-jean-luc-herbulot-2022/
Créée
le 20 oct. 2022
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