Eat the Rich!
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Hannibal Lecter l’a dit, et là-dessus on peut lui faire confiance : on convoite d’abord ce qui nous entoure. On convoite ce que l’on voit chaque jour, là sous nos yeux. Oliver Quick, lui, a semble-t-il jeté son dévolu sur Felix Catton, le beau gosse populaire et plein aux as d’Oxford que tout le monde s’arrache. Dont tout le monde veut une miette d’attention, un regard à la rigueur, un sourire, des baisers, voire plus, beaucoup plus. D’ailleurs, c’est quoi le truc entre eux ? Oliver aime Felix (comme tout le monde), mais est-il amoureux de lui (comme tout le monde) ? Oliver veut-il être avec Felix, ou veut-il être Felix ? Invité à passer l’été dans la somptueuse demeure familiale de celui-ci, Oliver le déclassé va découvrir un monde d’opulence et d’excentricités dans lequel il va se fondre, puis s’incruster en douce ; un monde qu’il va contaminer, et finalement faire imploser.
Variation tarabiscotée du Talentueux Mr. Ripley et du Théorème de Pasolini, Saltburn s’amuse à dynamiter l’oisiveté déconnectée des ultra-riches et le perpétuel goût de la revanche sociale des autres ; le besoin de posséder et l’envie de dominer. Ici on est dans la satire, la charge symbolique, labyrinthique, caméléon, alors rien n’est vraiment crédible en soi, éventuellement à prendre au sérieux, et Emerald Fennell le sait bien (de fait, Saltburn n’a pas manqué de franchement diviser), faisant de ce jeu de dupes (et de massacre) mêlant pouvoir, manipulations et désirs larvés, un réjouissant moment d’humour noir qui commence comme une rom com teintée d’ambivalence lascive, glisse vers le conte érotique de nuits d’été pour finir en mascarade grinçante.
Saltburn ne parle pas seulement, concrètement, d’une lutte des classes (on parlera d’ailleurs plutôt d’une appropriation, d’une assimilation de classe). Il parle aussi (surtout ?) d’un jeune homme à l’ambition et aux obsessions dévorantes, quasi vampiriques. Car Oliver ne semble jamais en lutte, animé de quelques principes revendicatifs. Jamais pressé de faire justice sociale, de rejeter et vilipender un milieu qu’il exècrerait pour ce qu’il représente. Non. Oliver est un Rastignac d’aujourd’hui aux illusions sûres. Et parce qu’Oliver veut seulement (en) jouir, (en) profiter, certes aux dépens (et pas avec) des autres, mais jouir avant tout (la danse finale viendra résumer la démonstration).
Le film devient réellement intrigant quand il délaisse sa narration programmatique filant droit vers sa conclusion et ses pseudo révélations censées nous prendre par surprise (en réalité déceptives et superflues : pas besoin d’expliciter grossièrement ce que l’on avait déjà bel et bien envisagé). Quand il fait des embardées tirant vers le malaise, le vénéneux (entre autres la magnifique scène de la baignoire, déjà culte et qui a tant fait jaser), abandonnant alors ses velléités trop marquées de farce méchante, chic et sexy, à la mise en scène inspirée. Et puis il y a Barry Keoghan. Keoghan qui, à l’instar de son rôle dans Mise à mort du cerf sacré, est fascinant de bout en bout en fauteur de troubles expert en cellule familiale (les autres acteurs ne sont pas en reste, en particulier Rosamund Pike et Jacob Elordi), allant jusqu’à nous offrir une dernière scène jubilatoire sur le Murder on the dancefloor de Sophie Ellis-Bextor (et dans le plus simple appareil s’il vous plaît) qui vient clore avec panache les hostilités.
Créée
le 29 déc. 2023
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