D’abord – le pire du pire : Omar Sy, acteur français d’origine sénégalaise tente de prendre un accent africain, échoue assez lamentablement et, pour faire « réaliste » ne fait que mièvre et ridicule. A la limite, on pourrait le préférer, dans le genre, dans ses parodies « expressionnistes » au SAV de Canal. Là au moins il joue. Ou encore les parodies, assez nauséeuses, de Michel Leeb et son « Africain ». Avec cet accent, on a déjà compris : confier un film sur un sujet très tendu à Nakache et Toledano , cela revient à l’idée de combattre le racisme avec Christian Clavier en héraut. La société du spectacle aujourd'hui peut fonctionner avec de très gros sabots.
On pouvait évidemment s’y attendre – le propos social (pourtant presque annoncé dans le plan-séquence du pré-générique, plutôt réussi, mais qui évidemment ne renverra à rien dans la suite) est noyé, évacué dans une multitude éclatée de films parallèles : comédie à la française, avec blagues faciles, lourdes, évidemment consensuelles (l’accent des émigrés face aux représentants de l’administration …), mélodrame sentimental vu et revu, totalement stéréotypé, film d’action, de poursuites à la fois angoissées et comiques (Omar Sy et Tahar Rahim, en modernes Bourvil et de Funès … ?)
Les personnages, notamment le héros, sont évidemment très lisses, irréprochables, victimes, mais ils s’en sortent finalement et tout le monde en sort rassuré. Mais en réalité le film n’est peut-être pas aussi poli que cela : tous ces sans-papiers frayent volontiers dans la (petite) crapulerie et si le public est dans doute soulagé de voir Samba finalement si bien s’en tirer, il retiendra également qu’il a, pour parvenir à cette fin, changé au moins trois ou quatre fois d’identité, et de la plus illégale des façons. Quant aux associations chargées de défendre les sans-papiers, de les aider, en toute humanité (les autres, ceux qui sont hostiles n’apparaissent en fait jamais dans le film), elles sont représentées par des dépressives, des séniles ou des hystériques – de quoi donner à l'humanité la plus fiable des crédibilités …
Et puis il y a le titre du film : j’ai vécu, il y a longtemps, au Sénégal – j’y ai croisé pas mal de personnes et aucune ne s’appelait Samba (si, une, un personnage de fiction – Samba Diallo, le héros de l’Aventure ambiguë de Cheikh Amidou Kane). Le choix de ce prénom assez singulier est expliqué, de la façon la plus pesante (au cas où le public n’y penserait pas …) dans le film – c’est donc, surtout, un nom de danse. L’optimisme est de rigueur, un prénom pour régler une question politique pour le moins délicate. D'ailleurs, Senghor lui-même dixit, l'Africain n'est-il pas l'homme de la danse ? Le titre de la critique (à tiroirs) (mais pas terrible) (mais mieux sans doute que « Samba la race » ou « Le noir vous va si bien ») force encore dans cette lourdeur affligeante. Alors on danse …
Ainsi tout peut sembler sympathiquement naïf, gentiment consensuel, entre plaisanteries innocentes et bons sentiments, avec des comédiens qui s’ils n’y prennent pas garde finiront par se cantonner dans leur propre caricature (ainsi Charlotte Gainsbourg, dans son personnage quasi permanent désormais de femme à la fois humaine et fragile, dépressive mais en révolte, et anorexique …) – mais, si l’on n’y prend garde, cette mièvrerie est sans doute très sournoise.
P.S. Le plus simple serait sans doute de ne pas aller voir Samba (dont le succès est de toute façon assuré – à voir comment la salle était archi pleine, à une heure creuse et en seconde semaine). Je ne vais jamais voir, en temps ordinaire, des films que je ne sens pas (et là, je m’attendais même à pire). En l’occurrence il s’agissait de faire plaisir, d’offrir un cadeau à une personne que j’aime beaucoup – et dont j’étais sûr qu’elle aimerait le film. Les cadeaux sont faits pour faire plaisir à l’autre, pas à soi (encore que …) Cela dit on peut toujours en discuter après, à la manière d’une critique.
Par contre, je ne me forcerais pas à aller voir « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? »