Le français moyen de la base moyenne a-t-il déjà vu un gentil sans-papiers, en irrégularité depuis dix ans, avec un sourire aussi éblouissant ? Pas sûr… C’est qu’il ne faudrait pas trop l’effrayer, le français moyen de la base qui vient ici d’abord pour rire, pour s’amuser et s’offrir un ersatz de conscience ("Tu vois au resto la dernière fois, je suis allé donner mon croûton de pain au mec qui fait la plonge, comme ça, sans réfléchir, parce que maintenant j’ai vu Samba, parce que maintenant j’ai compris qui sont ces hommes, parce que maintenant j’ai un cœur"). D’ailleurs sur l’affiche, on lui a même collé un béret sur la tête, au gentil Samba, pour faire local de chez nous et pas local de là-bas avec un boubou tout sale. Pour pas faire peur, pour faire mainstream, pour faire venir.
En plus le gentil sans-papiers, c’est Omar Sy, le noir préféré des Français, avec un drôle d’accent qui fait penser à un sketch sur Bokassa ou Mugabe dans un stand-up communautaire à Barbès. Omar, il est propre sur lui et tout, il fait le sans-papiers bien lustré, qui brille, que t’as envie de présenter à ta famille, d’inviter pour la dinde ou d’emmener en boîte, et pas un héraut de la négritude planqué dans un container ou un pneu de camion. Deux secondes, ça sonne chez moi… (Interlude) C’était SOS Racisme. Ils ont pas aimé "héraut de la négritude", ils ont dit que c’était un propos raciste, ils ont dit que c’était diffamatoire, ils ont dit qu’ils allaient porter plainte… Putain, moi qui croyais, depuis les 12 millions d’entrées de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, qu’il était désormais possible de faire des blagues xénophobes de mauvais goût en toute légitimité, sans avoir à s’excuser ensuite sur Twitter…
Ah ça, j’aurais médit sur du Roumain, qui donc serait venu défendre son honneur ? Leonarda ? Au quotidien, c’est fatiguant ce politiquement correct, ce vieux relent de pensée unique ; faut faire gaffe à tout ce que tu dis, à tout ce que tu fais, tout le temps, ne pas se moquer, ne pas conchier, ne pas déraper. Par exemple, je ne commande plus de quenelles dans les restos cashers. Tu commandes une quenelle en plat et t’as le Betar en dessert. Dorénavant, je prendrai des pommes au four. Ah, ça sonne… (Interlude) C’était le CRIF. Ils ont pas aimé "pommes au four", ils ont dit que c’était un propos antisémite, ils ont dit que c’était révisionniste, ils ont dit qu’ils allaient porter plainte…
Tout ça pour dire que le sourire éblouissant là, ça fait tache, ça fait pas crédible. On me rétorquera que c’est un détail, connard, que c’est la magie du cinéma (?), que c’est une comédie populaire, que je chipote pour la forme, que c’est sans doute parce qu’il ne mange pas beaucoup (ou alors seulement du bicarbonate de soude) que ça n’attaque pas l'émail de ses dents. Sans blague ? Et puis du... "détail", j’en ai, j’en ai par palettes : incohérences (pourquoi les flics appellent-ils l’oncle de Samba en croyant ce dernier mort noyé alors qu’il y avait une fausse pièce d’identité dans sa veste ?), musique insistante, discours lourdingue, trop long, trop neuneu, parfois drôle (Tahar Rahim, génial en Arabe se prenant pour un Brésilien).
Même Charlotte Gainsbourg finit pas lasser dans le registre de la fille un peu timide, un peu godiche, qu’elle commence à traîner depuis un bail sans vraiment se renouveler (Nymphomaniac mis à part). Entre chronique sociale simpliste sur l’immigration, histoire d’amour rabâchée et comédie souffreteuse, Samba cherche l’accord parfait avec une évidence peu naturelle, pétrit de bonnes intentions sans jamais les dépasser. Après le tétraplégique et le sans-papiers, qui sera la prochaine victime du prochain Nakache / Toledano, plein d'une tolérance au rabais et de dégoulinements humains "qui font réfléchir" ? Un nain malgache qui tombe amoureux d’une catholique bècebège ? Une pute ukrainienne qui rencontre un couple de lesbiennes en mal de bébé qui sentent la bière et le vieux berger allemand ?... Ah tiens, ça sonne encore…
PS : pour éviter tout malentendu, je tiens à préciser que je suis une lesbienne judéo-sénégalaise.
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