ça y est ! Darty possède enfin la démo parfaite pour tester ses téléviseurs hi-tech en magasins ! A part ça, ce "film" de Ron Fricke, disciple du pourtant émérite Godfrey Reggio, ne présente pas beaucoup d'intérêt, si ce n'est montrer de la "soi disant" belle image. Sauf que cette image n'est pas belle du tout. Fricke a beau aller filmer les plus beaux endroits du monde, ce n'est pas pour cela qu'il en revient avec les plus belles images du monde. A force de toujours pousser les contrastes, à force de toujours prendre de la hauteur sur les lieux qu'il filme (comme si sa position à lui, de cinéaste démiurge, était forcément supérieure à celle d'un visiteur lambda qui ne pourra jamais avoir son "point de vue" presque copyrighté), et à force de vider des lieux habituellement plein de touristes ou d'habitants pour nous les montrer, encore une fois, comme nous ne les verrons jamais, et bien il ne montre plus du tout le monde, mais une interprétation grotesque et boursouflée de celui-ci.
Plus que ça, Fricke offre des images qui n'ont pas de texture documentaire, elles sont des images qui appellent la fiction (elles sont trop travaillées, cadrées au millimètres, les personnages filmés en gros plan regard caméra ne sont pas pris dans une essence documentaire mais bien dans un désir de fictionnaliser tout cela), mais en même temps, il n'y a jamais de fiction non plus dans ses plans. Ces images-là ne sont donc jamais fictionnelles et jamais documentaires, qui sont pourtant les deux mamelles du cinématographe. Elles ont au contraire un drôle de statut bâtard, que je croyais propre à des photographes comme Yann-Arthus Bertrand, qui est de figer le réel en le surmaquillant et en en offrant une vision boursouflée qui épate le chaland, mais qui ne correspond en rien à une quelconque idée de réel.
Au niveau du sens ensuite. Si la première partie ne raconte strictement rien, se contentant de plans soi disant époustouflants sur les temples Birmans ou Petra, pour ne citer que deux exemples, la seconde se veut elle chargée de sens, et elle s'avère bien pire. Que dit Fricke, en gros : que le monde moderne a pourri les merveilles du monde, que les sociétés capitalismes sont celles du déchet, du gâchis, du mal vivre, que tout le monde vit entassé et en ne prenant pas le temps de profiter des beautés du monde. A l'inverse, si l'on est pauvre et opprimé, dans une favela du Brésil ou en haut d'une montagne tibétaine, on a beau faire les poubelles pour manger ou se faire décimer par les polices chinoises, on s'en fout car on sait vivre nous ! On prend le temps de humer le bon air qui passe sous nos narines ou de faire des câlins au ralenti à nos bambins si mignons aux doux yeux noirs qui brillent comme des perles rares. Cette dichotomie est totalement insultante pour le spectateur, tant de manichéisme me donnant vraiment l'impression d'être pris pour un débile. Mais, comme si cela ne suffisait pas, Fricke rajoute la forme au fond : il fait des plans lents, à la musique langoureuse, sur la pauvreté du monde, et filme tout en accéléré dès qu'il se rapproche d'une autoroute ou d'un centre urbain.
Bref, tout ceci est bien débile. Fricke n'a rien compris à Reggio, et Koyaanisqatsi, qui pourtant brasse les mêmes questions avec une forme très proche, est un film hautement plus estimable. Celui de Fricke, en revanche, sorte d'hydre informe entre Yann-Arthus Bertrand et Nicolas Hulot, n'a sa place qu'à la Géode ou, les yeux écarquillés, les spectateurs sont impressionnés par des questions de technicité et pas par la moindre notion d'art ou de cinéma.