Ma critique du film "Sang-froid"

"Sang-froid" est d’abord un court-métrage étudiant réalisé en 1991 par Reb Braddock. Durant un festival, Quentin Tarantino s’intéresse à cette petite comédie morbide sans prétention. Il conseille au scénariste John Maass d’en faire un long-métrage où il deviendra le producteur exécutif. Même si ce n’est pas lui qui a réalisé le film, on ressent une légère touche Tarantinienne.

Depuis qu’elle est toute jeune, Gabriella (Angela Jones) est intriguée par les cadavres. Depuis quelques mois, elle suit très attentivement les meurtres engendrés par un tueur en série qui coupe la tête de ses victimes et qu’on surnomme “Blue Blood Killer” (William Baldwin). Gabriella collectionne toutes les coupures de journaux dont on parle de lui afin de comprendre les événements des meurtres, mais sans succès. Elle décide donc de travailler dans une entreprise de nettoyage de scènes de crime afin de pouvoir un jour travailler sur l’une du célèbre tueur en série. Les deux personnages sont alors destinés à se rencontrer puisque Blue Blood Killer a laissé un indice l’incriminant lors de son dernier meurtre.

Quand je parle de la touche Tarantinienne, je parle de petits détails ici et là. Nous avons droit à un clin d’oeil à deux personnages du film "La Nuit la plus longue" de Robert Rodriguez. Le tueur utilise un sabre pour couper la tête de ses victimes. La manière dont le film fini, et je parle ici du dernier plan avant le générique, me fait penser à du Tarantino à cause de la manière dont l’histoire se termine. La situation finale est ironique et inattendue. Le plan de caméra subjective ne fera pas sans rappeler la fin des "Commando des Bâtards". Mais outre ces détails qui font références au réalisateur de "Reservoir Dogs", nous voyons d’un premier abord que l’histoire est avant tout concentré sur les personnages et les dialogues, comme pour les films de Tarantino, et c’est ce qui donne l’intérêt et la force de "Sang-froid". Les dialogues ne sont pas aussi profonds, mais la qualité demeure présente et nous permet de mieux connaitre les désirs et pensées des personnages du film. Le scénario de John Maass est très original sur plusieurs points. 1: Le personnage central du film, Gabriella, à une curieuse obsession morbide pour les meurtres et tout qui si rattache. 2: Le film présente un tueur en série qui découpe la tête de ses victimes comme le très célèbre Barbe Bleue. 3: Gabriella est employée dans une compagnie qui nettoie les scènes de crimes (travail rarement vu au cinéma). Ces trois éléments réunis font de "Sang-froid" un film se focalisant sur les meurtres, le sang et la mort, mais dont le tout est présenté d’une manière légère et humoristique. Le film est un peu la représentation du quotidien banalisé par Gabriella. Les meurtres et le sang sont alors dédramatisés par le biais du personnage principal. C’est ainsi qu’une des meilleures scènes du film, où nous serions censés être dégoutés par l’action projetée, est finalement très artistique. Gabriella est sur les lieux d’un crime, un couteau à la main, et elle danse à travers la maison pour essayer de reconstituer les événements du meurtre, et ce, sous fond de musique latino.

On prend plaisir à découvrir le personnage de Gabriella interprété par la pétillante Angela Jones (Fiction Pulpeuse, Les Enfants de l'horreur 5). Elle reprend le même rôle que dans le court-métrage éponyme. Angela Jones connait son personnage et semble être fait à sa mesure. Gabriella a un caractère très enfantin, un peu insupportable parfois, mais brillamment joué par l’actrice, qui la rend très amicale et attachante au bout du compte. Ses petites manies, tel que faire des bulles avec sa gomme à mâcher, ses obsessions morbides sur la mort et les têtes coupées et ses petits tics faciaux vous charmerons. Il est dommage qu’on ne retrouve pas Angela Jones davantage au cinéma. Pour la soutenir, nous trouvons William Baldwin (Lignes interdites, Sliver) qui est au sommet de sa forme. Dans les années 90, William Baldwin fait quelques films à succès qui le montent vers la gloire. Son personnage de Blue Blood Killer est un peu calqué sur ses rôles stéréotypés dont on a l’habitude de le voir jouer. Par contre, le fait que son personnage soit un tueur en série détonne déjà avec ses rôles antérieurs. C’est avec une pointe de comédie et de folie que Baldwin interprète Blue Blood Killer. À la toute fin du film, le protagoniste et l’antagoniste se rencontrent faisant de cette partie, le moment fort du film. William Baldwin et Angela Jones sont brillants et démontrent toute la finesse de leurs jeux. Ils nous offrent des dialogues qui transposent la gravité psychologique de leurs personnages respectifs.

Mais le film de Reb Braddock n’est pas parfait. Sans être des longueurs, on sent que certaines scènes sont inutiles et ne servent qu’ à allonger la durée du film pour faire de celui-ci, un long-métrage convenable. John Maass s’efforce d’ approfondir certains personnages secondaires, qui au finale, seront littéralement mis de côté. C’est ça la conséquence d’un transfert d’un court-métrage en long-métrage. Il ne demeure pas moins que ces scènes sont tout de même intéressantes à l’histoire, permettant de mieux connaître Gabriella et comprendre ses intentions à la fin du film. À part ça, le film demeure une comédie légère, sans chercher à impressionner le spectateur. Reb Braddock ne semble pas utiliser tout le potentiel qu’offre l’histoire. Le film est quand même bien, mais aurait été tellement plus entre les mains d’un réalisateur expérimenté. Enfin, le directeur de la photographie n’utilise pas assez de cadrages originaux qui permettent une meilleure qualité visuelle pour ce que l’histoire nous propose.

En conclusion, "Sang-froid" est un petit film bien sympathique, si on prend d’abord la peine de vouloir le voir. Il se distingue assez de la masse du commun pour que je le recommande chaudement à tous et chacun. De plus, si Quentin Tarantino s’est intéressé à l’histoire, alors il vaut sûrement le visionnement. C’est pas moi qui le dit là… c’est lui!