Mon dernier Kurosawa vu remonte à il y a deux ans. Le temps file. Même si, grande tragédie de stakhanoviste boulimique, ce jalon du cinéma ne fait plus partie de mes priorités actuelles, je suis bien forcé de reconnaître qu'il y a dans l'exercice de son style une maîtrise dans le déroulement de la narration, une efficacité dans l'exécution des enjeux, et plus généralement un savoir-faire d'artisan très affûté qui font de ses films, et tout particulièrement de ses chanbaras, des moments appréciables à de très nombreux niveaux.
Ceci étant dit, j'avais vu Yojimbo il y a 8 ans et je pourrais reformuler les mêmes constats. Le recours à une musique moderne confère à Sanjuro un cachet très particulier, allant dans le sens de l'exacerbation, que ce soit de la tension ou de la comédie. On retrouve les mêmes surgissements de tonalités diverses, de la violence subite aux irruptions de comique parfois burlesque. Et au centre de tout, évidemment, il y a Toshirô Mifune. Mais bizarrement, aussi charismatique soit-il, son personnage ouvertement cynique, opportuniste, bourru, et surtout indifférent à la cause qu'il défend en apparence mais très concerné en réalité ne parvient pas toujours à convertir l'immense capital sympathie en adhésion pleine et entière. La recette ne fonctionne pas de manière parfaitement fluide, comme si la concentration en clichés était un peu trop élevée.
Mais cela n'affecte pas vraiment le déroulement du programme, si ce n'est que j'aurais préféré avoir affaire à une bande de jeunes guerriers un peu moins benêts. Le manque d'expérience a bon dos pour nourrir continuellement des ressorts comiques. On est parfois presque dans le registre de la parodie... Le schéma est simple, le complot est clair, l'histoire limpide (à la différence de beaucoup de films sur ce thème comme ceux de Eiichi Kudō, au hasard). Le duo que le héros forme avec Tatsuya Nakadai marche très bien et dépeint une forme de corruption qui dépasse les camps ennemis. Il me semble néanmoins que la thématique du dégoût de la violence et des massacres contraints aurait pu être un peu plus étayée, quand bien même cela occasionnerait quelques très belles scènes (les camélias, ainsi que le geyser de sang final, magnifique épiphanie). Même si on peut relever une facilité un peu trop ostensible dans la résolution de certains conflits ou de certaines impasses, le charme de l’ensemble reste conséquent : on reste dans le domaine de la valeur sûre.
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