"Je sais que c'est facile de ne plus s'aimer."
Interprété par un quatuor absolument impeccable (Andrew Scott, Paul Mescal, Jamie Bell et Claire Foy), le nouveau film d'Andrew Haigh, mélodrame romantique empruntant aux codes du fantastique, nous parle d'enfance et d'homosexualité, de deuil et de solitude.
Œuvre atypique à la croisée des genres, traversée de séquences fantasmagoriques, dans laquelle on s'immerge petit-à-petit pour ne plus pouvoir en sortir, ce «All of Us Strangers» (en vo) nous dépeint le portrait d'un homme cherchant à renouer avec les fantômes de son passé pour mieux renouer avec lui-même, à accepter enfin un passé qu'il ne peut plus changer en y mettant les bons mots, et cela pour aller de l'avant et enfin arriver à lâcher prise.
Film envoûtant où notre protagoniste vagabonde sans cesse entre rêve et réalité, entre passé et présent jusqu'à s'y perdre, c'est surtout dans ses séquences de "reconstitution familiale" que le film m'a touché (j'ai été un peu moins sensible aux séquences avec Harry, dont j'ai étrangement senti venir la fin assez rapidement).
Adam ramenant à la vie ses parents qu'il a perdu à l'âge de 12 ans (un choc dont il ne s'est jamais réellement remis), se disant ces vérités qu'ils n'ont jamais eu l'occasion de se dire, et renouant avec ces moments de complicité qui lui manque terriblement, cette "seconde chance" qui n'a lieu que dans son esprit est un miroir de son mal-être et de ses regrets, mais aussi une manière de les questionner et les confronter, entre déni et acceptation.
Et l'occasion de se dire enfin, une dernière fois et les yeux dans les yeux, "Je t'aime" (cette scène d'au-revoir...les larmes ont pointé le bout de leur nez), et ainsi réaliser que l'on peut commencer à s'aimer soi-même pour ce que l'on est, et grandir.
Une œuvre "thérapeutique" à la narration originale et à l'ambiance travaillée, nous questionnant, sans jugement aucun, sur les propres fantômes qui nous accompagnent et ce que nous comptons en faire. 7,5/10.